Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Extrême droite : Leur guerre à l’intelligence et à la poésie

Le monde de la culture est sous le choc d’une année noire en prévision. Après les baisses annoncées dans de nombreuses collectivités, et dont la région Pays de la Loire (-70%) et le département de l’Hérault (-100%) ne sont que la partie radicale d’une tendance lourde, c’est l’arrêt brutal du “pass culture” dans la partie dite “collective” (action culturelle dans les établissements scolaires) qui a accéléré la mobilisation des professionnel·le·s du secteur. Mais, alors que l’ensemble de ces décisions sont motivées, et argumentées, par des pressions budgétaires, ce n’est pas seulement l’austérité qui est dénoncée dans les assemblées générales mais aussi la montée du fascisme. A Marseille, l’assemblée, qui a réuni plusieurs centaines de personnes, décide même d’intégrer le terme “antifasciste” dans les orientations de son collectif.

Alors pourquoi et comment la peur des idées et des actions de l’extrême droite est-elle devenue si présente chez les artistes et les professionnel·le·s de la culture ?

Il y a d’abord cette atmosphère générale qui, d’Orban à Trump, jusqu’aux saluts nazis de Musk et Banon, inquiète et sidère jusqu’aux plus consensuels d’entre nous. En France, les élections européennes et les élections législatives anticipées ont ouvert la porte à une possible victoire de l’extrême droite et on a vu dans nos quotidiens, nos quartiers et nos villages se libérer une parole nauséabonde faite d’exclusion et de violence. Le monde culturel, qui s’est largement mobilisé pour éviter le pire et assurer la relative victoire du Nouveau Front Populaire, est aux premières loges de cette situation.

Ce qui n’était hier qu’une menace floue pour certains devient une réalité concrète pour des milliers d’artistes. Des actes de censure, directs ou plus insidieux, se multiplient. Les créations qui traitent des questions de genre ou de racisme trouvent plus difficilement leur diffusion. Des élus locaux demandent à déprogrammer certains projets. Des responsables de programmation justifient ouvertement leurs choix pour des raisons politiques. Comme les théâtres municipaux, les lieux labellisés sont eux aussi sous la pression des élus qui souhaitent “ne pas faire de vague”.  Et alors que le co-financement des équipements garantissait une relative “liberté de programmation” pour les directeurs/trices, les baisses soudaines des subventions de certaines collectivités (régions, départements…), ou leurs disparitions pures et simples, déséquilibrent les modèles économiques et leurs gouvernances. Les lieux et les artistes sont coincés entre les pressions budgétaires et les pressions politiques, entre l’austérité et la censure.

Depuis plus de 20 ans, en parallèle de la montée des idées d’extrême droite, un long glissement a transformé la place du monde culturel dans le regard des habitant-e-s et par conséquent dans celui des élus. Alors qu’on vantait hier l’exception culturelle, on explique aujourd’hui que la culture ne peut pas vivre de subventions. Alors qu’on clamait hier “la culture n’est pas une marchandise”, l’argent public sert aujourd’hui à installer le marché comme seul mode de gestion de la diffusion des œuvres. Alors qu’hier, internet devait devenir un lieu de liberté, de création et d’accès facilité à l’art, la toile est devenue une machine à cash où la créativité de chacun nourrit chaque jour un peu plus les multinationales. C’est bien le marché qui a ouvert la porte aux idées nauséabondes du fascisme. Il ne lui reste plus qu’à diffuser ses idées tragiques contre les intellectuels, les artistes, les wokes et enfoncer le clou de ce qui devient un peu plus chaque jour un plan social de grande ampleur. Les premières décisions prises par Donald Trump montrent assez bien dans quelle dystopie il souhaite entraîner le monde. S’attaquer aux migrants, aux pauvres, aux fonctionnaires va de pair avec une lutte radicale contre tout ce qui représente le savoir, la science, l’art… La lutte déclarée contre certains mots dans l’université, son amour pour la post-vérité, marque un virage historique qui instaure déjà un régime néo-fasciste.  Le monde culturel, là-bas comme ici, est aux premières loges de ce glissement qui pourrait sembler inéluctable.

Pourtant, là-bas comme ici, du discours de Jane Fonda aux assemblées générales, la résistance s’organise et la riposte apparaît. Le monde artistique et plus largement toutes celles et ceux qui défendent l’importance du savoir et de l’art comme clef de voûte d’une société émancipée, sont aux premières loges de la construction d’une alternative. Ils et elles savent que la force des histoires, des images, des mots sont des armes de constructions massives pour penser un monde libéré du capital et du productivisme. Alors que certains mènent une véritable guerre au savoir et à l’imaginaire, cette résistance est porteuse d’à-venir. Rejoignons-là.

Laurent Eyraud-Chaume

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