Le titre est entendu en deux sens : des caractéristiques constitutives du capital, et type de rapport qu’elle impose à la Terre et à l’ensemble de ses habitants. Les graves crises anthropologiques et écologiques suscitent un très large spectre d’approches, divergeant et convergeant, interrogeant la réalité et le réel mêmes que ces crises concernent. Mais la grande majorité ignore le capitalisme, alors que ce monde, le nôtre sans l’être et qui court à sa perte, est organisé par et pour son accumulation. A la lumière de ce que d’autres manières de faire monde que l’Occident nous apprennent, il conteste non pas le schisme nature/société comme réalités distinctes, mais leur compréhension social-historique à prétention universelle par notre modernité couplée avec le capitalisme. Le livre commence par une relecture inédite des Manuscrits économico-politiques de 1844, en y décelant dans les grandes controverses qu’elle a suscitées (querelle de l’humanisme, coupure épistémologique entre jeunesse et maturité de Marx…) un même antinaturalisme partagé. A ses yeux, cette œuvre, non pas un livre rédigé mais une somme d’articles-enquêtes d’explicitation de l’expérience ouvrière, définit l’aliénation non pas comme la privation des humains de ce qui les distingue de la nature mais au contraire comme le devenir-étranger des humains à ce qui les rattache au reste de la nature en tant que pleinement Terriens. Il questionne ensuite la propriété privée, avant de poursuivre sur 5 chapitres : aliénation et naturalisme, la nature du social, la socialisation de la nature, un communisme naturaliste, et la résurrection de la nature. Il y déploie des réflexions d’une très grande richesse, à mêmes d’irriguer des débats aussi passionnants qu’urgents.
Makan Rafatdjou
La nature du capital, Frédéric Montferrand, Editions Amsterdam, 2024, 317 p, 22 euros
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