Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Le choix d’un parti-mouvement

En hausse constante dans les milieux populaires, chez les femmes et les jeunes, l’abstention électorale autrefois synonyme de dépolitisation est devenue un rejet du système et des partis politiques. Elle est le signe majeur de la crise de la politique et de sa représentation.

Le vote devient le fait des élites, des couches moyennes supérieures, de l’électorat le plus âgé : la politique est de moins en moins l’affaire de toutes et de tous.

Autre signe de cette crise, le discrédit des partis et de la politique institutionnelle vient de loin : sentiment, depuis le tournant austéritaire en 1982/1983, que les politiques menées par la gauche et par la droite sont interchangeables ; partis-machines électorales et tremplins pour carriéristes en quête de pouvoir et d’enrichissement personnel, corruption… Un monde à part, qui confisque la politique, en décalage total avec la population, non-représentatif de la diversité de la société.

Que ces travers concernent les partis de droite inventés pour défendre l’ordre établi, la propriété bourgeoise et les intérêts capitalistes : logique ! Mais quand il s’agit des partis de gauche, cela alimente le « tous pourris » qui, faute d’alternative, profite aux néo-fascistes.

Mouvements sociaux et mobilisations citoyennes n’ont pas besoin des partis. La lutte pour les retraites l’a rappelé.

Et tout ce qui a surgi de neuf et qui renouvelle les contestations anticapitalistes depuis Mai 68 en posant la question d’un projet alternatif de société s’est produit en extériorité des partis, y compris ceux du mouvement ouvrier.

Priorité aux mouvements sociaux, aux mobilisations citoyennes -et leur articulation-, dans le sillage des luttes féministes, écologistes, antiracistes. Mais cela peut-il suffire ?

Beaucoup, dans les luttes, pensent qu’on peut se passer des partis.

Dans le bilan des partis de gauche liés à l’histoire ouvrière, le négatif domine : électoralisme, carriérisme, acceptation de l’ordre établi et du capitalisme… Mais le positif a aussi existé : ils furent des lieux de mémoire, de socialisation, parfois des points d’appui pour les luttes. Les espoirs de changement politico-social nés en 1936 ou 1981 de l’accès de la gauche au pouvoir étaient liés à un horizon désirable stimulant les luttes.

Par ailleurs, celles-ci ne produisent pas d’elles-mêmes un projet alternatif, chaque association ou syndicat s’inscrit dans un champ balisé, spécialisé.

Chacune peut produire du politique mais de manière sectorielle, pas globale. Les forces politiques, elles, ont une fonction généraliste spécifique, de synthèse que ne peuvent assumer associations et syndicats. D’où le choix du parti-mouvement, un nouveau type de force politique pluraliste à inventer. Retrouvons l’apport des partis du mouvement ouvrier d’hier -mémoire, socialisation, ancrage populaire- et abandonnons ce qui a fait leur échec -prétention au parti-guide, à la direction des luttes, pratiques délégataires et autoritaires, comportements verticaux et bureaucratiques, y compris sous une apparence gazeuse-.

Ce qui rend possible une telle rupture ? La pratique de l’autogestion, dans le parti-mouvement, dans toutes les structures organisées. Le fonctionnement du parti-mouvement est à définir, l’impulsion viendra d’en-bas.

Si la référence au parti peut être maintenue pour les raisons déjà évoquées, la référence au mouvement doit impérativement y être accolée, pour indiquer ce changement autogestionnaire et radical de pratique.

Un parti-mouvement, pour des rapports égalitaires avec les autres forces de gauche, associations, syndicats, l’ouverture aux irruptions imprévues comme Nuit Debout, les Gilets Jaunes ou les Soulèvements de la Terre, aux expériences autogestionnaires, aux pratiques alternatives. Toutes expriment une nouvelle culture politique, dont le parti-mouvement essaiera d’être non pas le débouché mais une expression politique.

Il contribuera ainsi à exprimer dans le champ politique une voie alternative, une contribution utile à l’appropriation de la politique par toutes et tous.

Bruno Dellasudda

 

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

La politique, l’affaire de toutes et de tous, mais comment ?

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