Depuis toujours, l’accès à l’eau – et de fait sa gestion – a été affaire locale, de proximité, sous l’autorité soit de la communauté humaine bénéficiaire, soit de la collectivité propriétaire du sol (en France, la commune).
L’industrialisation de la distribution et de l’assainissement des eaux a produit des conglomérats le plus souvent filiales de groupes multinationaux (Veolia, Suez, Lyonnaise des eaux…). Cette industrialisation a modifié l’échelle de gestion de l’eau et conduit à l’instauration des bassins aquatiques, sous tutelle publique, en capacité de « réguler » la circulation des voies d’eau (en partie…) et des nappes phréatiques à partir de la deuxième partie du XX° siècle.
Sauf exception rarissime, les instruments transfrontaliers n’existent pas, comme si le ruissellement s’arrêtait aux frontières !
L’Union Européenne semble peu attentive à cette question. Trois articles (Articles 191 à 193) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE) constituent la base juridique de la compétence de l’UE en la matière. Un plan d’action est lancé en …2012. Une directive est édictée en mars 2023. Rien de comparable avec d’autres préoccupations, même écologiques !
L’ONU s’y intéresse mais dans des considérations bien vagues pour être opérationnelles. La question de l’accès à l’eau ne fait pas partie des missions envoyées par l’ONU sur les zones en conflit.
Pourtant :
- 2,2 milliards de personnes n’ont pas accès à des services d’eau potable gérés de manière sûre (OMS/UNICEF 2019)
- Plus de moitié de la population mondiale, soit 4,2 milliards de personnes, manque de services d’assainissement gérés de manière sûre (OMS/UNICEF 2020)
- 297 000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de maladies diarrhéiques causées par l’insalubrité de l’eau et des pratiques sanitaires et hygiéniques inadéquates. (OMS/UNICEF 2019)
- Le stress hydrique affecte 2 milliards de personnes et ce chiffre risque d’augmenter (ONU 2019)
- Les inondations, les sécheresses et les tempêtes ont été à l’origine de près de 90 % des catastrophes naturelles (UNDRR)
- 80 % des eaux usées dans le monde sont rejetées dans l’environnement sans traitement (UNESCO 2017)
- L’agriculture représente près de 70 % des prélèvements d’eau (FAO)
A l’instar des zones industrielles et ZAC imposées dans les années 60 et 70, une nouvelle spécialisation territoriale n’est-elle pas assignée à travers la planète ? On rapprocherait les besoins sociaux des lieux de production ; alors que les rapports de force régionaux désynchronisent besoins élémentaires (alimentation eau, énergie, santé …) de leurs modes de satisfaction (voir les travaux de Sloterdijk). Près des trois quarts des guerres dans le monde ont pour origine directe ou objet, l’accès ou la maîtrise de l’eau.
On découvre cruellement les dégâts qu’inaction, guerre et délabrement provoquent en Lybie (un vrai Tsunami intérieur, des milliers de morts.es). La source du Nil fait l’objet de convoitises qui attisent des micros conflits … avant qu’un embrasement plus général meurtrisse la région ?
Le laisser-aller libéral pollue de grands fleuves (Danube, Seine), en abîme d’autres (Amazone, Orénoque, Gange). Le réchauffement climatique fait peser des menaces sous 30 à 40 ans dans de grands bassins et deltas. Rien de tous ces désordres ne peut être réglé par les autorités locales seules. Encore moins par les opérateurs privés et lucratifs.
Comment penser qu’aux migrations de populations, aux déséquilibres économiques, une telle tension sur l’eau, son accès et sa consommation (tous usages compris) pourrait rester sans conséquence ?
A une maîtrise renforcée des populations sur la ressource aquatique, une régulation mondiale est plus que jamais à inventer. Ruisselons d’imagination !
Patrick Vassallo
En Europe, aux Etats Unis, nous n’ avons pas pris garde à l’installation de compagnies de gestion des réseaux d’eau, qui ont pris la main sur les réseaux de médias, télévision dans un premier temps, puis le câble et les réseaux sociaux. Nous devons reconquérir notre propriété populaire des réseaux et créer des société coopératives d’intérêt collectif (scic) associant les association d’usagers, consommateur, citoyens, les élus des communes, les salariés/techniciens des réseaux dans une propriété collective et sociale sans actionnaires.