Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Vers un « grand-remplacement » des écrivains ?

L’IA peut-elle nous remplacer ? La littérature n’a cessé de l’imaginer, cette « intelligence artificielle ». Depuis 2022, la science a clairement pris le pas sur la fiction… 

Parmi les auteurs, les opinions divergent. Outils de recherche efficace ? Aide à l’organisation ? Pourquoi pas… Mais voilà. Il y a un monde entre utiliser un outil et demander à un programme de rédiger ses textes. Le 20 mars 2023, une étude conjointe menée par Open AI et l’université de Pennsylvanie a tenté de déterminer les conséquences économiques de l’utilisation de l’Intelligence artificielle aux États unis, et dresse une liste des métiers qui seront les plus touchés.  O surprise… dans cette liste l’éducation, l’écriture, le journalisme et la traduction. L’étude prend des gants : ces métiers ne sont pas voués à disparaître. Ce sont seulement ceux « pour lesquels on estime que GPT et les systèmes qui l’utilisent sont susceptibles de faire gagner un temps significatif en accomplissant une bonne partie de leurs tâches ». Gagner du temps… Mais ce qui donne de la valeur à un roman, c’est précisément le temps qu’on y passe… Les participants au NANOWRIMO, un marathon d’écriture qui réunit une communauté mondiale autour du défi insensé d’écrire 50 000 mots en un mois, le savent : ce premier jet, écrit dans la précipitation n’est jamais bon ! On ne devient écrivain qu’en polissant ses idées, ses mots… qu’en se faisant chercheur d’Or. 

Le problème est plus vaste. La mode, en ce moment, est à la « co-écriture » de romans avec l’IA, vendus sur Amazon. Un dossier de bigdata.fr commente ainsi cette tendance : « Une excellente manière de générer un revenu passif ». On peut désormais, après un éreintant travail de 72 heures, faire écrire à l’IA un conte pour enfant complètement illustré et en vendre des milliers de copies en quelques mois. Mieux encore… « Cette technologie permet de créer un ouvrage même si vous n’avez aucun talent pour l’écriture, le dessin, ou l’invention de scénarios ».

Est-ce honnête ? Se faire un « revenu passif » grâce à des idées schématiques volées sur internet ? Est-ce étique ?

On peut objecter que tout a déjà été écrit, et que tout auteur s’inspire de ce qu’il a lu auparavant. Là-encore, c’est une erreur : s’inspirer n’est pas piller. Écrire n’est pas un simple patchwork d’idées éculées. L’inspiration procède d’une réflexion, d’une maturation, d’une appropriation. Elle modèle le style d’un auteur, qui devient alors le reflet de son époque. Chat GPT n’est pas « co-auteur ». Ses collègues humains ne sont pas écrivains. Compilateurs, oui… gratte papiers, pisse copie, scribouillards, certainement…  

Non. L’IA ne fera pas disparaître les écrivains. Certes, elle crée déjà un nouveau type de parasites qui se revendiquent auteurs sans avoir jamais écrit une ligne, et qui sont certainement le miroir de la vacuité de notre monde. Elle invente la « Junk littérature » à consommer rapidement, la chips crème-oignon de la créativité. Mais ça ne nourrit pas. Et puis, écœuré, on reviendra au bon polar, mijoté pendant des mois, écrit, réécrit, coupé, affiné, un roman bien ficelé, des univers novateurs. Tous écrits avec style par de véritables écrivains. 

Alexandra Pichardie 

  1. « GPT are GPT’s : An Early look at le Labor Market Impact Potentiel of Large Language Models », 20 mars 2023. 

 

Les articles de ce dossier :

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