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Place aux JO : Sinistre jeu de domino

La coupe du monde rugby approche, les jeux olympiques pointent à l’horizon. 

Il faut faire place nette. Des exilés sont fermement incités à aller voir en région l’hospitalité française. Des étudiant.e.s sont viré.e.s de leur résidence universitaire pendant la durée des épreuves et de leur préparation. L’AFP nous révèle qu’à l’approche de cette Coupe du monde des hôteliers refusent d’accueillir des précaires. Le gouvernement crée des ‘SAS’, une dizaine, pour les orienter (trier devrait-on écrire) en région, les résidences sociales étant « réquisitionnées » dans la foulée. 

Fin mai, nous apprenons par un communiqué de la Mairie de Bruzque « la préfecture d’Ille-et-Vilaine a décidé d’installer un sas d’accueil pour des personnes venant de la région parisienne.  Le gouvernement a donc décidé de déplacer ces populations dans les régions ».

Le gouvernement crée ainsi 10 SAS dans les régions.

Un ancien collège bordelais, utilisé pour des ukrainiens, devient ainsi SAS d’accueil provisoire. A Bruz, en Bretagne, le maire, pour une opération identique est mis devant le fait accompli. 

Et la liste des « exemples » ne cesse de s’allonger, dans une indifférence médiatique assez remarquable.

Ces sas seront prévus pour des personnes qui ne resteraient que trois semaines, dans l’attente d’un déplacement dans un des départements de la région, à tour de rôle. Ces personnes rejoindraient alors des centres d’hébergement d’urgence (tous saturés actuellement). Pour ce qui concerne la Bretagne le seul et unique sas se situerait donc à Bruz et accueillerait 50 personnes maximum.

Toutes ces personnes ainsi déplacées s’ajoutent aux sdf, aux mineurs errants et aux personnes précarisées relevant des CHRS, de l’hébergement d’urgence. L’accompagnement social des personnes serait assuré par une association qui s’occupe de précaires pour ouvrir leurs droits, si possible. Une urgence durable, sans aucun moyen nouveau pour faire face à cette misère et l’accompagner. 

Faire place nette. Ici, certains enfants étaient déjà scolarisés, là une dame malade s’est retrouvée dans une chambre, dans le Finistère, réservée pour une seule nuit. A son retour, elle ne peut plus réintégrer l’hôtel et campe avec sa fille. Des squats sont expulsés de Rennes à Montpellier, jetant à la rue des dizaines de mal-logés. 

Il ne s’agit pas de nier la nécessité de solidarité entre départements pour l’accueil des exilés, mais on peut craindre que le but réel de cette opération vise à les invisibiliser en région francilienne durant les jeux olympiques en les déplaçant, sans concertation et dans la précipitation. Si ces SAS ne sont pas accompagnés de création de places supplémentaires dans les centres d’hébergement d’urgence et les CADA, centres d’accueil pour demandeurs d’asile, il ne seront qu’un centre de tri aboutissant à une remise à la rue des personnes déplacées, dans des villes où l’hébergement est depuis plusieurs années totalement saturé, et où se multiplient les campements et occupations de gymnases. Les personnes déplacées des campements franciliens vont-elles venir grossir les campements « provinciaux » déjà en train de se constituer ? 

A la veille du débat parlementaire sur la loi Darmanin, chargée de serrer la vis à la circulation des personnes que la crise climatique, les guerres et les inégalités économiques provoquent du fait du pillage des pays par le capitalisme mondialisé, ce nettoyage augure mal d’un humanisme déjà fort dégradé. Sur fond de prééminence des thèses de l’extrême-droite dans le débat public, le pire reste à craindre. 

Ce sinistre jeu de dominos est une double honte : pour les populations franciliennes dont une partie est ainsi invisibilisée ; pour les territoires de province traités comme de vulgaires « bantoustans ». 

C’est d’une tout autre politique de l’accueil, des migrations et du respect des droits humains dont nous avons urgent besoin. De la Roya à Bruz, la dignité doit se conjuguer au présent. 

Marianne Coudroy, Patrick Vassallo

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