A l’issue du premier confinement des milliers de fonctionnaires hospitaliers descendaient dans la rue pour refuser le délabrement de l’hôpital. La pauvreté systémique de l’hôpital public avait été mise à jour dès le début de la pandémie de COVID, notamment les manques de moyens matériels et humains. Plus personne ne pouvait s’illusionner sur l’état réel du service public de la santé.
Depuis, plusieurs chantiers ont été ouverts par le gouvernement, notamment la fin de la tarification à l’activité (T2A) qui organisait le financement des hôpitaux depuis les années 2000 dans une logique de remboursements protocolisés, poussant les hôpitaux à choisir leurs patient.es. Pour autant les schémas régionaux d’organisation des soins (SROS) continuent à répartir les services de soins entre public et privé sans égard pour les hôpitaux publics de proximité.
Cette réduction de l’offre du service public est aggravée par une crise de recrutement de personnel dans les hôpitaux, publics comme privés. Actuellement une large partie des lits et des services qui ferment le font par manque de soignant.es.
L’hôpital est désormais dans une situation où le statut de fonctionnaire n’est plus envié par le personnel paramédical. Les soignant·es refusent de devoir sacrifier leur vie personnelle pour des salaires réduits. Or la comparaison avec les collègues en intérim est cruelle. Actuellement ce sont les intérimaires qui, tout en étant mieux payés, décident de leur quotité de travail, repos et lieux d’exercice. Dans une situation où le rapport entre les offres d’emplois et le nombre de candidat·es est favorable à ces derniers·ières, les postulant·es·sont malheureusement davantage tournés vers la construction de carrières individualisées que vers la recherche de progrès collectif.
Face à une institution, l’hôpital public, qui a essoré des générations de travailleurs·es par sa maltraitance institutionnelle, beaucoup d’hospitaliers·ières cherchent à exercer dans d’autres structures à caractère non lucratif.
Historiquement, l’Eglise, les mutuelles, le philanthropisme, le paternalisme patronal, mais aussi le mouvement ouvrier ont souhaité proposer, pour des raisons différentes, leur propres offres de soins.
Ces organismes dits du « privé non lucratif » embauchent leurs salarié.es principalement sous le statut de la « convention collective 51 ». Si leur finalité n’est pas lucrative, il n’empêche que leurs structures sont soumises à des impératifs d’équilibre budgétaire qui entraînent la même pressurisation de leur personnel que dans la fonction publique hospitalière. La situation de ces structures est souvent précaire et sujette à des regroupements. La question salariale y est forte.
De nombreuses luttes sociales sont menées dans les établissements du privé non lucratif y compris dans ceux qui disent s’inscrire dans une démarche de progrès social.
De jeunes soignant.e.s, souvent des médecins, ne souhaitent pas une carrière à l’hôpital, refusant aussi bien le mandarinat que la maltraitance institutionnelle. Ils et elles peuvent alors lancer des projets de centres de santé, parfois autogérés comme le « Village 2 Santé » d’Echirolles (Isère). Ces structures pluriprofessionnelles souhaitent apporter une offre de soin dans des territoires souvent sous dotés.
L’expérience de la psychiatrie institutionnelle inspire certaines des structures qui se créent. Toutefois, il est important de rappeler, qu’y compris dans les expériences les plus émancipatrices, il persiste des rapports de classe et de dominations qui doivent être justement interrogés.
L’institution publique ne peut, sous couvert de son caractère officiel, continuer à broyer son personnel. Les soignant·es refusent de travailler de façon sacrificielle, et, si la revendication est ancienne, la conjoncture permet aux personnels de l’imposer.
Les hospitaliers.ières doivent devenir décideurs·euses sur leur lieu de travail tout en repoussant les velléités de retour à un pouvoir médical qui n’a jamais constitué un meilleur employeur que les directions technocratiques actuelles.
Cohérence d’une offre publique étendue, conditions de vie et de travail améliorées pour les hospitalier·ières (salaire, logement, formation, prise de décision), l’hôpital public est indispensable pour assurer un accès équitable aux services publics. Mais pour recruter, il doit aussi assurer de meilleures conditions de travail que dans le reste du secteur sanitaire. Pour des soins et des emplois de progrès.
Etienne Charenton (SUD Santé Sociaux)
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