Paradoxalement, la contre-réforme des retraites (qui fixe la fin du travail salarié) a ouvert un débat sur le travail. Les plus jeunes accusent : « mes parents sont cassés, ils n’iront pas jusqu’à 64 ans ». Et Olivier Besancenot d’expliquer sur le plateau de BFM-TV, alors qu’on l’interroge sur les retraites, la conception marxiste du travail aliéné, sans qu’aucun des présents ne s’en offusque.
Nous avions déjà noté dans les colonnes de Cerises, au moment de la vague de « grande démission » qui avait touché les États-Unis puis la France, que la relation du salariat au travail s’était modifiée. Nouvelles exigences et critique du sens et de l’organisation du travail étaient au cœur de cette « désertion » massive. Les mobilisations actuelles en France ne démentent pas cet « esprit critique » que les organisations syndicales, chacune à leur manière, reprennent à leur compte. Il est donc probable que cette question du « travail » restera dans les années à venir un enjeu de débat pour le mouvement social qui retrouve une nouvelle confiance dans ses capacités de mobilisation (et donc de gagner), notamment grâce à une unité syndicale retrouvée. Cette unité syndicale a permis à un profond mouvement populaire d’éclore. De nombreux observateurs se sont inquiétés des fortes mobilisations dans les « sous-préfectures » et autres villes moyennes, témoins de l’enracinement du refus de la contre-réforme mais aussi d’exigences.
Cette nouvelle puissance sociale s’organise autour d’un front du refus, ce qui en fait sa force et sa faiblesse. Sa force, car elle surmonte des clivages qui divisent et montre aux yeux de tous ce que l’unité permet de faire, après tant de reculs. Sa faiblesse, car elle s’empêche, par nécessité de l’unité, de se réunir sur la construction d’un projet alternatif commun en raison de divergences qui subsistent. Un projet alternatif à la gestion actuelle des caisses de retraite et de leur financement est pourtant nécessaire, tant il est vrai que la défense du statu quo est une impasse pour l’avenir. Si l’on peut comprendre que, dans le mouvement de la bataille actuelle, l’heure n’est pas aux discussions qui seront par nature contradictoires, oublier qu’il est impératif de s’y coller constitue un handicap à moyen ou long terme.
Quelques remarques sur ce sujet. Regardant mes fiches de paie, je me suis toujours étonné qu’une colonne des prélèvements sociaux soit appelée « cotisations patronales » puisqu’elle imputait mon salaire brut, qui me revenait et finançait mon salaire indirect. La réunion en une seule colonne dite « cotisations sociales du salarié » serait certes symbolique mais ouvrirait une autre porte : la gestion des caisses de retraite par les salariés eux-mêmes et leurs organisations. Que des cotisants gèrent leurs institutions, sans ingérence extérieure, notamment étatique, tombe sous le sens. C’est vrai de l’association des boulistes au coin de ma rue. À ce titre, les exonérations de cotisations au profit des patrons qui assèchent les caisses de retraite ne seraient plus possibles – ou seraient du moins plus difficiles – car elles toucheraient clairement les garanties sociales du salarié et leur financement et au bout du compte directement au salaire « global » du travailleur. Enfin, face au capharnaüm que vit l’Assemblée nationale, qui est aussi un terrain d’affrontement politique important, je m’interroge : c’est quoi, une politique réellement à gauche dans les institutions parlementaires ? Ce que j’y vois n’y ressemble pas.
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