Les congrès des partis de gauche français ont en commun un climat de crise. Les débats en cours peinent à s’extraire d’un logiciel un peu périmé alors que les mobilisations restent « inégales ». Dans le même temps, des initiatives foisonnent. Et la retraite remplit les rues. Le champ des questionnements est vaste, de la construction des propositions politiques au fossé creusé entre le politique et le quotidien. De quoi parle donc la politique ? A qui ? Pour les partis, l’abstention est-elle donc un problème ?
Qu’est-ce que signifie aujourd’hui produire de la chose publique (donc de la politique), dans un monde mondialisé et dématérialisé ?
Les crises mondiales (eau, climat, échanges, géopolitiques…) semblent échapper à toute intervention alternative. Le capitalisme mondialisé se débat dans ses problèmes, et ses guerres, sans guère de contestation globale. L’altermondialisme cherche son second souffle, le syndicalisme est aussi essoufflé que les institutions internationales. De tout cela les partis de gauche ne causent guère.
Peut-être sommes-nous à un point de basculement. Inventaire (partiel) de crise….
- La Crise des partis n’est pas seulement celle de la forme parti. Elle indique plus globalement le bouleversement et les fossilisations qui atteignent toutes les formes organisées, syndicats, associations, altermondialisme compris. Ceci interroge ce qu’est un mouvement organisé politiquement. Ce que nous en voudrions. Comment peut-on autogérer la production de la « chose publique », non seulement pour contester mais de plus pour faire prendre forme à une alternative « en marche » au capitalisme, pour renverser la table et ouvrir les agapes ?
- C’est donc une Crise du/de la politique qui se développe accélérant la capacité de récupération du capitalisme tout en laissant aux marges des pratiques et « expériences » de plus en plus nombreuses. L’abstention désormais massive participe à élargir le fossé ainsi créé. Que nous dit l’abstention, à commencer par la démocratie participative et les institutions ? La sobriété en politique peut-elle se résumer à la question du cumul des mandats et à leur révocabilité ?
- N’est-il pas l’heure – enfin ! – de changer des conceptions dépassées de la politique. D’en finir avec une conception policière de l’actualité, de jeter aux orties les pratiques de suspicion, de petites phrases, spectacles-buzz et de tragi-pantalonnades de couloirs ? Comme si la Politique n’était qu’une aubade aux vertiges du Pouvoir…
- De quoi « s’occupe » ce qu’on appelle ‘politique’ ? Faut-il encore distinguer champs politique et social ? sociétal et moral ? associatif et secteur public ? En quel rhizome la politique peut-elle s’enraciner pour faire du bien commun une aventure partagée ?
- Si nous gardons la visée d’un dépérissement de l’État, cela résume-t-il la question d’autogérer la société ? Gérer la société est-ce confondable avec l’État, même local ? C’est tout le logiciel nécessaire qui est à inventer. La gestion renvoie aux moyens et aux principes qui peuvent fonder les solidarités, leurs périmètres, les financements (donc les gratuités, les péréquations, etc.).
Certes le chantier est immense. Tout cela en mesurant combien le fossé peut paraître profond avec des décennies de délégation de pouvoir et de déraison d’État… solidement ancrées dans la culture collective.
Si nous voulons que notre camp social, avec toute la population, se réapproprie la chose publique, le devenir de notre société, peut-être faut-il exiger des partis et organisations qu’ils mettent leur savoir-faire à contribution pour ouvrir des espaces où se débattent et se construisent des propositions, de la production politique. Et laissons donc aux « gens » le soin de gérer leur(s) quotidien(s) , leur cité. Enfin on cesserait de les prendre pour des c… et on valoriserait une intelligence collective qui ne demande qu’à libérer les énergies et à tenter les possibles.
Patrick Vassallo
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