Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Sortir du marché de l’électricité maintenant !

L’énergie est un bien commun, essentiel et stratégique à court comme à long terme : la crise environnementale nous impose de revoir complètement nos modes de production et de consommation et d’organiser l’accès à une ressource de plus en plus rare. 

Dans cette mutation vers un monde décarboné, l’électricité est appelée à prendre une place croissante. Or le dogmatisme libéral européen, accompagné par les gouvernements successifs, a cassé depuis 20 ans le monopole public efficace d’EDF pour le remplacer par un marché dysfonctionnel qui tente d’imposer une concurrence totalement inadaptée à ce secteur.

Le bilan est accablant : hausse des prix, rupture d’égalité entre les usagers, désorganisation du secteur, « concurrence » confinée à une activité totalement artificielle, la fourniture, qui consiste à acheter de l’électricité pour la revendre sans aucune plus-value pour le consommateur, si ce n’est de pouvoir choisir son logo sur la facture. Puis la mise en place d’un marché dont le prix ultra volatil, indexé sur les prix du gaz, ne correspond pas du tout au coût de production de l’électricité, a provoqué une succession de crises en exposant tantôt les consommateurs à des factures élevées quand les cours du gaz montaient, tantôt les producteurs à des rémunérations trop faibles quand ils baissaient.  La crise actuelle, déclenchée par l’envolée des prix du gaz, n’est certes pas la première mais est de loin la plus grave. Les prix de marché de l’électricité ont été multipliés par 20 l’été dernier par rapport à leur cours moyen, sans rapport avec l’évolution bien plus lente des coûts de production. 

Comme à chaque fois, le gouvernement a répondu à cette crise par des mécanismes complexes, opaques et partiels, en se contentant d’accumuler les rustines sur un système malade à la base. Il en est ainsi du « bouclier tarifaire » limitant à 4% la hausse des factures pour les clients particuliers restés au tarif réglementé en 2021 puis à 15% en 2022, mécanisme auquel s’ajoutent des aides ad’hoc. Mais les trous dans la raquette sont multiples, entraînant des catastrophes chez nombre d’entreprises, de communes, de copropriétés qui ont vu ou voient leur facture multipliée par 4, 5, 10, alimentant l’angoisse, la précarité, l’inflation, l’appauvrissement des services publics locaux et les risques de faillites en cascade.

Aujourd’hui, même la Commission Européenne reconnaît les graves dysfonctionnements de ce marché et la nécessité de « réformes en profondeur ». Mais il reste impossible d’envisager l’abandon de ce prix de marché jugé pourtant « aberrant », de renoncer au dogme de la concurrence. La seule solution pérenne, consistant à mettre en place un système public basé sur des tarifs réglementés pour tous les consommateurs, est écartée par principe.

Ce système pourrait être mis en place rapidement, au moins à l’échelle française sans pour autant remettre en cause les nécessaires échanges avec nos voisins.

Un tel système est pourtant une nécessité pour planifier et financer les investissements massifs nécessaires à la bifurcation écologique et l’organisation d’une sobriété heureuse. Cela devient urgent !

Anne Debregeas , chercheuse Solidaires

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