(qui n’a pas encore trouvé son canal d’expression politique)
Commençons par dire ce qu’elle n’est pas. La radicalité ne peut se réduire au choix de méthodes d’action violentes, ni à un programme formalisé de rupture avec un système de domination. L’histoire connaît de nombreux exemple de radicalités populaires non violentes même si elle est marquée aussi par de tout aussi nombreux exemples de radicalités violentes. De même elle compte des séquences de radicalité populaire portée par des organisations dotées d’un programme politique formalisé et d’autres caractérisées par la spontanéité de la colère sociale. La radicalité, celle en mesure d’avoir un effet de transformation sociale réel, ne se décrète donc pas. Elle se constate comme un besoin en recherche d’un canal d’expression. Elle exprime le sentiment, plus ou moins conscientisé, qu’aucune amélioration significative d’une situation vécue comme insupportable n’est possible, sans un changement d’ampleur. Elle signifie également logiquement que l’ordre des choses dominant est devenu insupportable et qu’il est désormais perçu comme inacceptable. Littéralement le terme « radicalité » renvoie à l’idée de « racine ». Au niveau politique les séquences de radicalité populaire sont celles où une partie majoritaire des classes populaires ressent la nécessité de s’attaquer aux « racines » des difficultés sociales subies c’est-à-dire au système social dominant lui-même.
De multiples indices soulignent que nous sommes entrés dans une séquence historique de radicalité populaire. Des Gilets Jaunes au mouvement anti-pass en passant par les grands mouvements contre la réforme des retraites, contre la loi travail, contre les violences policières raciste, etc., ce besoin de radicalité populaire prend la forme de mouvements sociaux. De l’attirance vers certaines explications « complotistes » à celle vers les fausses et dangereuses alternatives fascisantes en passant par les taux records d’abstention, les discours sur le « Tous pourris » et ceux grandissant sur la nécessité d’une « révolution » dans la jeunesse des classes populaires, le besoin de radicalité prend la forme de modes de pensées et d’analyses mettant à leur centre la notion de « système ». Bien sur la confusion règne sur ce qui constitue justement ce « système » perçu désormais massivement comme illégitime. Cette confusion indique une course de vitesse pour canaliser politiquement cette radicalité populaire soit vers de fausses cibles, soit vers une transformation sociale structurelle c’est-à-dire une révolution sociale.
L’extrême-droite a réellement pris la mesure du besoin de radicalité populaire et met la focale sur tous les éléments permettant de détourner la colère sociale de ses véritables cibles. Les thèmes des pseudo communautarisme, séparatisme, Wokisme, islamogauchisme comme ceux tout autant mythique d’une « laïcité menacée », d’un « péril migratoire » imminent ou encore d’un « grand remplacement » porteur d’une remise en cause civilisationnelle, etc., ne sont rien d’autre qu’une tentative d’apporter une réponse au besoin de radicalité populaire en proposant des cibles présentées faussement comme « systémiques » afin de le détourner de la remise en cause du capitalisme. La peur d’être accusé de « complotiste », « d’islamogauchisme », de « laxisme », etc., conduit malheureusement à l’absence d’une réponse claire et sans ambiguïtés dans ce que vous appelez « gauche de transformation ». C’est au contraire, selon nous, en refusant toute concession sur ces pièges idéologiques, qu’un canal d’expression progressiste à la colère populaire peut émerger.
Saïd Bouamama
Sociologue, militant du FUIQP
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