Prologue du dossier “Santé, bien commun”. Les personnels hospitaliers exigent les moyens humains et financiers pour que l’hôpital public réponde aux besoins de santé. Ils dénoncent la gestion managériale, la souffrance au travail et la dégradation des soins. Les urgences et les hôpitaux psychiatriques sont au bord de l’implosion. La mobilisation grandit. Mais le gouvernement, bien que sur la défensive, ne répond pas pour autant aux revendications. Une des causes principales de la dégradation de nos systèmes de soins et de protection sociale vient du fait que depuis 20 ans les gouvernements successifs ont détourné l’argent du service public de santé et de sécurité sociale en fermant des hôpitaux et maternités, en supprimant des dizaines de milliers de lits d’hospitalisation, de postes de soignants et en exonérant les actionnaires des cotisations à la sécurité sociale. Mais il y a un autre aspect, celui d’une médecine tournée vers la réparation et insuffisamment vers la prévention. Plus généralement Il faut ouvrir la réflexion sur une autre conception de la santé qui ne se réduise pas à l’absence de maladie ou à la médecine mais permette à chacun d’agir sur soi et sur son environnement. (dans ce dossier, lire aussi La table ronde, La santé tuée par la finance, De l’arrêté municipal à la loi)
On l’oublie trop : la Sécurité sociale n’est pas une administration, mais une grande idée mutualiste : « De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». Ce principe assure un droit égal pour tous à être protégé tout au long de la vie. Macron et le grand patronat veulent la détruire afin de développer « un marché de la santé » qui profitera aux assureurs, labos pharmaceutiques et actionnaires, intéressés par le flux de 400 milliards du budget de la Sécu qui pour l’instant leur échappe. Ce processus de destruction est à l’œuvre depuis 20 ans mais connaît une brutale accélération.
L’argent pour financer immédiatement la sécu existe.
Le terme de « cotisations patronales » est impropre. Contrairement aux salariés, le grand patronat ne prend pas dans sa poche pour financer la protection sociale. Cet argent est pris sur la valeur monétaire des produits du travail des salariés et des indépendants. L’entreprise n’est qu’une boîte à lettre comme pour le prélèvement de l’impôt à la source. L’URSAFF prélève à la source et en temps réel, 400 milliards d’euros qui sont redistribués en prestations santé, chômage, famille, vieillesse sans passer par les banques ni les assurances privées.
Quand le gouvernement, en 2019, « exonère » le grand patronat de 20 milliards de « cotisations » à la sécu cela signifie que 20 milliards de valeur ajoutée du travail ne financent plus la sécurité sociale, mais retournent directement dans les poches des actionnaires. Ces derniers opèrent ainsi un détournement de fonds. En quelques années, les ressources de la sécu ont ainsi été amputées de 100 milliards d’euros. Un autre choix politique permettrait de restituer immédiatement cet argent à la Sécu.
Transfert du financement sur les ménages.
La perte de recettes due à ce détournement d’argent est en partie seulement compensée par l’impôt. Cette fiscalisation du financement de la sécurité sociale est supportée par les seuls ménages. La CSG est payée à 80% par les salariés et les retraités.
La gestion directe de la Sécu par les représentants des travailleurs et des employeurs garantissait que les cotisations étaient sanctuarisées et dédiées uniquement à la protection sociale. Depuis que l’État gère la sécurité sociale ces sommes peuvent être affectées « aux secteurs déficitaires de l’État », au gré de la conjoncture ou des gouvernements.
Fin du droit à la santé pour tous.
Ses ressources ainsi réduites, la sécurité sociale ne serait plus qu’une caisse de secours pour les plus pauvres. Chaque actif épargnera individuellement pour financer ses propres risques auprès d’assureurs privés et fonds de pension. C’est : « Chacun pour soi ». Ne pourront s’assurer que ceux qui peuvent payer. Dans les pays Anglo-Saxons où ce système existe, les gens ont 2 ou 3 boulots pour payer leurs risques. Des médicaments vitaux ne sont plus remboursés. Des retraités ont été ruinés en 2008 par des fonds de pensions en faillite.
Des pistes de solutions
La société doit à chacun un minimum de sécurité. C’est un droit imprescriptible qui ne peut être limité par la notion de déficit. Notre système par répartition a fait la preuve de son efficacité. On pourrait moduler les cotisations des entreprises : Les secteurs à forte masse salariale cotiseraient moins que celles ayant d’importants revenus financiers. L’assiette des cotisations serait étendue aux revenus financiers des entreprises et des banques qui représentent 320 milliards d’euros. Si ces revenus étaient soumis au taux actuel de la cotisation, Ils rapporteraient plus de 84 milliards d’euros à la sécu. Enfin il faudrait obliger les entreprises pharmaceutiques à baisser leur prix et mettre en place un service public du médicament.
Josiane Zarka
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