Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

DE LA MONDIALISATION À LA MONDIALITÉ

Josiane Zarka
Aujourd’hui on ne peut pas construire une alternative au capitalisme qui ne soit pas pensée à l’échelle du monde.
Inscrire nos combats dans une visée, c’est leur donner du sens. C’est éviter les fausses solutions comme la fausse alternative libre-échange/protectionnisme ou encore l’engagement de certains pays émergents dans le libre-échange et la mise en concurrence des peuples en pensant résoudre leur problème de développement.

Une politique cohérente du monde pourrait se bâtir autour de 3 grands axes :
– Une écologie politique du monde qui travaillerait sur le vivant et sa reproduction avec notamment la question du travail et le rapport Humains/Nature.
– Une politique de relation et de coopération qui traiterait des œuvres humaines (Homo Faber) et du patrimoine commun de l’humanité.
–  Une politique des conflits et une redéfinition de la démocratie véritable dans la sphère politique où se joue l’action des citoyens et des États.

 Ces grands axes seront à décliner, non pas dans un programme ficelé, mais en réinterrogeant chaque enjeu dans sa dimension mondialisée : le rapport capital/travail, l’environnement, la démocratie, le développement, les échanges, la maîtrise et la réorientation des flux de capitaux ainsi que le droit et les institutions internationales.

 La juriste Mireille Delmas-Marty dans son manifeste « Pour une mondialité apaisée », milite pour « une mondialité multiple mais qui appelle un ordonnancement commun » constitué de principes politiques et juridiques qui permettent le pluralisme et ne suppriment pas les contradictions, mais les régulent. Pour que des régulations soient admises comme légitimes, encore faut-il une vision commune de l’humanité, autrement dit, il faudrait partager un même humanisme et redéfinir des valeurs communes.

Des éléments existent déjà dans la réalité, qui peuvent constituer des points d’appuis, à condition de les inscrire dans une telle visée.

Il existe une nouvelle réalité du monde qu’Edouard Glissant et d’autres appellent mondialité pour la différencier du terme de mondialisation pollué par le capitalisme. Elle postule que les processus de mondialisation, engendrant des déplacements à la fois anthropologiques, philosophiques et culturels, font émerger des relations, des esthétiques à la fois communes et plurielles. La conscience grandit d’une commune appartenance au monde dans laquelle chaque décision a des conséquences sur les autres humains et sur la nature. 

Ces évolutions ont déjà débouché sur un agir politique pluriel et commun. Le mouvement altermondialiste s’est doté d’un corpus d’idées et d’expérimentations fécondes.

Une mondialité alternative pousse à un travail de redéfinition des concepts. Paradoxalement, la mondialisation a étendu le champ de la démocratie à travers le monde mais en la réduisant à des procédures : élections libres, alternances électorales, respect individuel des droits de l’homme. La démocratie véritable comme construction d’espaces publics communs de délibération et de décision pour et par les peuples, reste à repenser à l’échelle du monde.

Patrick Le Tréhondat
Que sait-on de la rupture avec le capitalisme ? Ce ne peut être une rupture franche et nette telle que nos imaginaires ont été nourris par les expériences du 20e siècleEt en même temps, on sait que cette ou ces ruptures passent par des affrontements. C’est un processus fait d’avancées et de reculs. Pour tout dire, oui, la révolution est d’actualité, elle n’a pas une actualité sous la forme d’un grand soir, la prise du palais d’hiver. Au cours de ce processus, nous construisons l’après. En inventant, je dirais des garanties, contre le danger mortel de tout processus révolutionnaire, à savoir sa bureaucratisation. Son usurpation par une couche particulière issue même de ce processus. Nous avons une difficulté à expliquer ces aspects contradictoires. En même temps, la volonté de changer l’ordre des choses a besoin d’un horizon d’utopies.

Bernadette
Que rajouter à ce qu’a dit Pierre. Si on y arrivait, ce serait merveilleux, c’est vrai qu’on est tous interdépendants et avec l’espace et tout ça. C’est vrai, tout ça, mais bon.

ça ne donne pas la solution concrète. Que fait-on de ça ?

L’extension de la sécurité sociale à d’autres domaines a généré un petit débat dans le débat. Comment allier socialisation par de nouveaux communs sociaux et écologiques et justice sociale dans une alternative au capitalisme? Débat fondamental sur les pensées et pratiques de transformation et rupture interpelant les finalités et la place future de l’économie. Cerises y reviendra bientôt.

J-M. Harribey : Je ne suis pas convaincu que la cotisation sociale aurait  vocation à financer tous les besoins sociaux : la sécu que l’on connaît, la maladie, la retraite, le chômage, les allocations familiales, et le logement, l’eau, la nourriture, l’accès à la culture, etc. Je sais très bien d’où vient cette idée du salaire à vie, de la cotisation qui remplace l’impôt, et pense qu’on a à mener deux batailles : les cotisations sociales financent la protection sociale, et le rôle de l’impôt doit être réhabilité. Rendre inutile l’impôt c’est rendre inutile l’impôt progressif. C’est le grand avantage de l’impôt sur le revenu, et aussi sur le patrimoine, pour avoir une double fonction spécifique : payer les services publics, et redistribuer les richesses. La cotisation sociale ne fonctionne pas pareil et n’a pas pour fonction principale de réduire les inégalités de revenus.

M. Rafatdjou : les deux semblent nécessaires, pour des raisons différentes et complémentaires. Étendre les cotisations à tout le nécessaire d’un socle incompressible indispensable à une vie décente et digne n’est pas les généraliser. Elles seraient les principes directeurs, normatifs, de communs hautement qualitatifs accessibles à toutes et tous tout au long de la vie. Après une réduction de l’écart trop différencié des revenus à la base, les impôts apporteraient les correctifs nécessaires et les solidarités indispensables pour répondre aux autres besoins : équipements et infrastructures, énergies, aménagements et réparations territoriales, fonctions régaliennes… La part de chacun est à discuter, mais les deux contribueraient ensemble à l’extension du champ démarchandisé, à l’expulsion du marchand des sphères essentielles vers un “superflu” drastiquement réduit, et à la fin de l’hégémonie marchande (idéologique et politique, économique et financière).

S. Larue : Il faut poursuivre tranquillement ce débat entre impôts et/ou cotisations sociales sans taire les divergences. Un débat qui ne divise pas, et crée les convergences les plus larges à partir de la diversité des positions. L’important c’est la mise en commun, pour les services publics et pour TOUS nos droits. Nos droits sociaux, aux allocations, à la santé, et les nouveaux droits à la mobilité, à l’environnement, et ceux du vivant, etc. doivent être défendus.

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Horizons d'émancipation

Post-capitalisme

Ce débat fait suite au numéro d’avril sur l’impasse du capitalisme et son stade non aménageable. Il s’agit d’interroger ce que pourrait être le post-capitalisme, ...
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