Voilà une contribution majeure aux enjeux politiques de l’État. Sa traduction 20 ans après sa parution invite à resituer l’ouvrage dans le contexte du néolibéralisme hégémonique et de la domination idéologique des néoconservateurs. Bien loin de la période actuelle avec des continuités et des nouvelles mutations en forte rupture. Mais ses interrogations, argumentations et réponses restent des plus pertinentes. Pour l’auteur, dans un débat vif avec d’autres apports marxistes, l’État moderne n’est pas une institution objectivement neutre soumise aux influences subjectives des rapports de force entre classes antagoniques. C’est une illusion de penser que l’État actuel, sous l’emprise du capitalisme dominant qui favorise les transferts de richesses vers les entreprises, privilégie l’accumulation, renforce oppressions, répressions, discriminations et soumet la démocratie à un état d’exception devenu la norme, pourrait, sous un rapport de force inversé, devenir un État social garant de l’intérêt général. Le rapport entre l’État et le capitalisme ne relève pas de conjonctures plus ou moins favorables à le faire dériver de telle ou telle classe ou fraction de la société. L’État est structurellement le résultat des modes d’action, de production et de reproduction capitalistes, quelles que soient les formes évolutives qu’ils revêtent historiquement. Dans ces conditions, toute bifurcation écologique et révolution sociale en vue d’une alternative au capitalisme suppose d’en finir avec l’État et toutes les institutions connexes qu’il a formatées.
Makan Rafatdjou
La théorie matérialiste de l’État, Les transformations du système capitaliste de l’État, Joachim HIRSCH, Syllepse, 286 pages, 2025, 25 €.
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