Signe des temps ? Il est intéressant que Pierre Jovanovic parte de la « crise des subprimes » en 2008 pour nous dire pourquoi nous en sommes là aujourd’hui. L’enquête journalistique montre comment les plus grosses banques mondiales (dont les françaises) se sont recapitalisées au détriment des peuples et des sociétés. Afin d’éviter l’explosion du système, elles se sont tournées vers les gouvernements pour puiser dans l’argent de nos impôts, de la santé, des services publics, des équipements collectifs, ce qui avait déjà conduit vers le chômage et la pauvreté des millions de femmes et d’hommes sur la planète. Le livre est un recueil précis d’actes de décisions, date par date, et de leurs conséquences. Les médias ont été de la partie. On retrouve des faits qui ne peuvent qu’alimenter la colère et la soif de justice.
On peut lui reprocher son côté essentiellement descriptif et le manque d’analyse, au point que sur sa couverture, il s’exclame : « des banquiers américains devenus fous », sous-titre qui rend accidentel ce qui est inhérent au système. Il semble ignorer que tourner le dos à la production de biens et des services et au travail, avec ce que cela implique en investissements plus lourds, formations, santé et de démocratie, est constitutif de la reproduction du capital. Et comment il se réfugie dans la spéculation et le pillage des fonds publics. On peut donc lui reprocher de passer à côté de la source du mal. Alors quel est l’intérêt de cet ouvrage ?
Justement : qu’une telle dénonciation ne vienne pas de l’espace alternatif est significatif de notre temps. Qu’elle s’appuie sur des faits précis pour mettre en cause les banques et faire le lien avec nos maux actuels (l’âge de la retraite est abordé comme moyen de drainer des flux financiers vers les banques), dit combien le rejet du système est largement partagé. L’enquête de Pierre Jovanovic a le mérite de ne pas laisser les causes de la crise dans le flou de l’air du temps et de ne pas laisser planer l’idée « c’est comme ça ». Reste la question : que vouloir à la place ? Qui doit avoir le pouvoir de décider ? Osons ouvrir la suite.
Pierre Zarka
2008, Pierre Jovanovic, Éditions Jardin Des Livres, juin 2025, 240 pages, 24 €
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