Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Ce qui n’a pas de prix[1]

La culture pour résister à la droite extrême
et à l’extrême droite

L’art et la culture sont mis à mal par notre société capitaliste : de l’art on ne voit que ce qui dépasse, qui est cher et souvent déjà vu ; de la culture on ne consomme plus que ce qui est disponible sur nos plates-formes, payant et souvent de qualité médiocre. Simplement parce que le capitalisme se nourrit de notre ignorance, de notre besoin de se « vider la tête » sans jamais la remplir, de notre paresse à aller chercher notre nourriture de l’âme comme nous cherchons notre nourriture physiologique.

Le capitalisme a besoin de « temps de cerveau disponible » pour nous asservir, il ne peut accepter que notre imaginaire soit libre et capable d’inventer un monde nouveau pour nous comme pour les autres, alors il nous isole, noie notre imaginaire dans du Disney puis dans du Netflix, dans du Jeff Koons et dans des musiques sans âme. Or, Trotsky disait : « Le fascisme n’est rien d’autre que la réaction du capitalisme ». En effet, lorsque le capitalisme ne suffit plus à imposer démocratiquement ses réformes, il instaure un « pouvoir fort » qui lui permet de les faire passer (voir la situation au Chili en 1973 où c’est le libéralisme libéré de toute contrainte pensé par Milton Friedman qui a été imposé par Pinochet, soit une forme extrême du capitalisme).

Il ne faut donc pas se tromper d’ennemi, si l’on veut lutter efficacement contre l’extrémisation de la droite et de la société, c’est le capitalisme qu’il faut prendre à revers. Les membres du CNR l’avaient compris en leur temps, c’est à l’État de donner les moyens aux citoyens de s’émanciper, cependant aujourd’hui, l’État est dirigé par les banquiers, il supprime donc toutes les aides dont pouvait avoir besoin le tissu culturel français, espérant par là le mettre à genoux. Or, nous ne pouvons pas attendre que le résultat d’hypothétiques élections redonne la main à un État émancipateur, même si nous devons lutter pour cela.

Alors « Que faire ? » disait Lénine… Aujourd’hui, la « culture de masse » ne laisse guère d’espace à l’invention, à l’inouï en art… Ne peut être rentable que ce qui est « déjà vu », le PS ne déclarait-il pas «1 euro investi dans la culture représente 5 euros de retombées économiques » ? Or, c’est se placer du point de vue du capitalisme, du tout rentabilité, c’est donc abandonner la lutte. Partout où nous sommes et où nous agissons, il est important de mettre l’art (sans doute même avant la culture) au centre de nos préoccupations, dans notre vie quotidienne, faire de temps à autre un pas de côté vers une exposition d’un inconnu, aller voir sur les réseaux sociaux ce qui est proposé de réellement nouveau, faire l’effort d’aller chercher de la nourriture nouvelle pour notre imaginaire, comme nous allons chercher une information différente de celle qu’on nous assène. Éduquer les enfants à regarder et à voir, d’abord la nature, puis des images intéressantes, mais surtout, surtout leur permettre d’agir par eux-mêmes en pratiquant l’art à leur niveau et tout au long de leur vie… Bien sûr il faut pour cela des moyens et l’État ou les collectivités locales pourraient y subvenir, mais si ce n’est pas possible, il ne faut pas attendre que nos imaginaires soient entièrement colonisés avant d’agir, si on doit bricoler, n’hésitons pas à bricoler : organiser un atelier avec un artiste local, monter une association chargée de collecter des fonds pour faire émerger des visions vraiment nouvelles de notre monde, intervenir dans les écoles, organiser des soirées poésies où l’on mêle artistes reconnus et inconnus… Car si l’on veut voir un jour l’avènement d’une société nouvelle, il faut s’y mettre dès maintenant en faisant émerger tout ce qu’il y a de vraiment neuf dans les imaginaires (et pas seulement chez les jeunes qui sont souvent déjà fortement influencés par la soupe capitaliste) et surtout en permettant à toutes ces formes d’art d’infuser de manière durable dans la population. Or c’est par la pratique que l’art se défend le mieux et reste le plus ancré dans les imaginaires, il est donc indispensable que les individus puissent pratiquer régulièrement un art, comme, souvent, ils pratiquent un sport car la santé de l’âme est aussi importante que celle du corps pour l’individu comme pour la collectivité.

 Natalie Victor-Retali


[1] Annie Lebrun « Ce qui n’a pas de prix »

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