L’éducation comme vecteur d’émancipation. C’est la vision que nous partageons au SNEP-FSU 35. La crise écologique dans laquelle nous sommes désormais entrés concrètement, associée à la crise sociale que nous connaissons depuis une cinquantaine d’années dans les pays occidentaux, questionne le rôle de l’éducation nationale en tant qu’institution et le rôle de chaque enseignant·e en tant qu’acteur·ice de l’émancipation du peuple.
Face au désastre écologique engendré par la modernité, l’Éducation Nationale promeut depuis une trentaine d’année une doctrine main stream sur fond de Développement Durable et de Transition Écologique. Entre le tri des déchets à la cantine et l’utilisation des photocopies surnuméraires comme papier de brouillon, les élèves sont invités à admettre que si elles et ils font un effort individuel, elles et ils vont « sauver la planète ». Le point commun de toutes ces actions de communication réside dans l’absence de remise en question du fonctionnement intrinsèque de notre société et de l’hyper consommation engendrée par le capitalisme. Et ces stratégies ont montré depuis plusieurs décennies leur inefficacité, et leur incapacité à mettre un terme ou même à freiner la frénésie destructrice du marché mondialisé.
Arthur Keller, chercheur en systémie résume l’action de notre société ainsi : L’humanité transforme la nature en déchet. Pour y parvenir, notre société construit les relations au travers un rapport de force entre les dominants et les dominés. Entre l’homme et la « nature », entre les hommes et les femmes, entre les riches et les pauvres, entre les blancs et les noirs. Notre rapport à la nature est à l’image de notre construction des rapports entre les humains, là encore l’humanité domine le reste du vivant. Et c’est en ce sens que les luttes écologistes rejoignent les luttes féministes, la lutte des classes, les luttes anticoloniales, les luttes anti-racistes …
Concrètement, quelle est l’action du système éducatif sur cette dimension ? Les sciences de l’éducation mettent en évidence que les dispositifs éducatifs, c’est à dire l’ensemble de l’organisation et du fonctionnement d’un système éducatif, sont au moins aussi influents que les contenus des cours, si ce n’est plus. Or à l’éducation nationale, et a fortiori dans le secondaire, toute l’organisation est basée sur le rapport de force et la domination des élèves par les adultes. Cette organisation « infuse » au fil des années auprès des élèves et fait de ce rapport, cette vision de la vie, une évidence. Au travers de ce qu’on pourrait appeler la fabrique de la soumission, à laquelle un certain nombre d’enseignant·es ne souscrit pourtant pas, l’école s’inscrit dans une dynamique qui la positionne du côté du problème et non du côté de la solution.
Au SNEP-FSU 35, nous sommes conscients qu’à court ou moyen terme, changer LA société ne suffira pas et qu’il faudra changer DE société. Dans cette perspective, l’éducation doit pouvoir donner aux citoyen·nes qu’elle forme les moyens de penser, de construire et de gérer d’autres formes de rapports sociaux et environnementaux que ceux basés sur la domination et le rapport de force. Dès lors, l’action d’un·e enseignant·e qui s’inscrit dans cette dynamique ne peut se penser que comme subversive au regard de la doctrine étatique. Mais comment penser la subversion dans une institution qui ne tolère pas la transgression ?
Puisqu’attendre une action pertinente de celles et ceux qui se sont accaparé·es le pouvoir et les richesses et qui ont l’insolence de s’autoproclamer « élites » est sans espoir. Puisque l’action individuelle est insuffisante au regard de l’ampleur du chantier. C’est bien sur vers l’action collective que nous nous tournons.
Actions ciblées au sein des C.A. des établissements pour faire évoluer le bâti, formations aux défis et aux enjeux écologiques, constructions d’outils pédagogiques d’éducation à l’environnement en EPS, mise en place d’équipements sportifs pour enseigner l’EPS « dehors », création d’un habitus vélo chez les élèves. Toutes ces actions nous permettent de lutter ensemble de (re)donner du sens à notre métier et d’obtenir des victoires collectives. C’est en construisant collectivement le monde dans lequel nous vivons que nous tentons d’apporter une alternative souhaitable au désastre capitaliste que nous servent quotidiennement nos dirigeants à travers les médias des milliardaires.
Antoine Barbier, Snep-Fsu 35
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