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Accès à l’eau potable : un droit constitutionnel ?

« Chacun a le droit d’accès a… suffisamment de nourriture et d’eau » Chapitre 2 de la constitution sud-africaine, ou Bill of Rights section 27 qui garantit à chaque citoyen des droits humains élémentaires pour vivre dignement. Seulement entre ce droit inscrit dans la Constitution et la réalité il y a un grand écart.

Depuis 1994 le gouvernement n’est pas resté inactif et des progrès concernant le logement, l’accès à l’eau potable, à l’électricité etc, ont été faits. Mais ces efforts ont été ruinés depuis par le manque d’entretien, l’incompétence et la corruption. Le résultat est affligeant et ce sont comme toujours les plus démunis qui en souffrent.

La liste des villes où les coupures d’eau sont quotidiennes s’allongent. La dernière des grandes métropoles touchée est Johannesburg. Cette série de crises locales n’est qu’un aspect d’une crise nationale que le gouvernement refuse de prendre en considération. Le désastre annoncé ne date pas d’hier, pas même du Day Zero de la ville du Cap en 2018, mais depuis beaucoup plus longtemps. Le Ministre de l’eau et l’assainissement, Sipho Mchunu a du bout des lèvres admis il y a quelques jours qu’il était « très, très, très préoccupé par la situation ». Son ministère est l’un de ceux qui affiche la plus mauvaise performance, ravagé par la fraude, la corruption et le manque de directives et de volonté politiques.

En 2013, la ministre Nomvumla Mokonyane, poursuivie pour corruption, décida d’arrêter la publication des rapports Blue Drop et Green Drop qui qualifiaient la qualité de l’eau et du traitement des eaux. Sous sa direction, le projet Lesotho Highlands Project Phase 2, pour la capture de l’eau venant des montagnes du Lesotho pour alimenter le réseau d’eau de la région de Johannesburg qui aurait dû entrer en fonction en 2023 est reporté à 2029/30 à cause de malversations diverses. En 2020, un rapport de Corruption Watch and the Water Integrity Network a clairement fait le lien entre la corruption et les coupures d’eau en Afrique du Sud.

Alors que 300 à 400 kilomètres de tuyaux et réseaux devraient être remplacés, la ville prévoit d’en changer 28 kilomètres en 2024. La ville perd ainsi 25% d’eau potable et en plus, le manque d’entretien du réseau d’assainissement a pour résultat que des milliers de litres d’eau usées sont directement déversées dans les rivières.

La situation est encore pire dans les zones rurales. Dans le village de Chwebeni dans la province du Cap oriental, le problème de l’accès à potable est cruciale pour la santé des habitants. Le manque d’eau potable provoque des maladies de peau chez les enfants. Chaque jour, les femmes partent avec des seaux, pour aller chercher de l’eau dans un forage  dont les abords sont couverts d’une boue nauséabonde, car le bétail vient y boire aussi.

Des adductions d’eau et des robinets ont été installés en 2004, mais plus rien ne fonctionne faute d’entretien. La municipalité de Port St Johns dont dépend le village affirme que celui-ci est en bout du réseau, que la forte demande pour alimenter la ville en pleine croissance et les branchements illégaux sont les causes du manque d’eau. Les villageois demandent qu’un nouveau forage soit fait pour éviter aux habitants d’aller chercher l’eau au trou d’eau où vient boire le bétail. La municipalité a ouvertement menti quand elle a annoncé qu’un nouveau forage avait été fait : sommée de montrer ce trou d’eau au cours d’une réunion avec les habitants, elle a admis qu’elle y pensait…

En attendant, les enfants se grattent et perdent leurs cheveux et quand ils vont à l’école, ils n’ont à leur disposition que des latrines puantes et pas d’accès à l’eau potable. « Sans eau potable, les tâches quotidiennes comme faire la cuisine, se laver et cultiver nos jardins sont très difficiles. Un nouveau forage ferait une grande différence et cela améliorerait grandement les conditions de vie pour toute notre communauté » répète une vieille femme qui chaque jour prend un seau pour aller chercher de l’eau partagée avec les animaux.

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