Leila Shahid
Avant les années 2000, il y avait aussi un très grand mouvement de solidarité. Sur tous les continents, on avait créé des réseaux de coordination. Il faut un minimum de rapport de force en notre faveur, on ne peut pas passer uniquement d’une société civile à une action politique mondiale sans passer par un minimum d’unité de coordination et d’affirmation de soi alternatif. Je suis très en phase avec l’intervenant qui dit qu’il faut changer la manière de faire de la politique. J’ai beaucoup aimé la comparaison, comment la politique en Occident c’est de rentrer dans l’isoloir et lorsqu’on sort on oublie ce qu’on fait. J’ai participé pendant 10 ans à l’Union européenne à Bruxelles. Les 3/4 des gens détestent l’Union européenne parce qu’ils détestent la structure bureaucratique technocratique de l’Union européenne qui leur coûte les yeux de la tête et qui est devenue un monstre je pense qu’il y a une chance pour que de toute la douleur de tous ces peuples, qu’il en découle quelque chose de fondamental dans notre relation, dans notre capacité ou incapacité à forger notre propre destin. On ne peut pas attendre que d’autres nous forgent notre destin : un parti politique ou un État. Il est temps et je pense que cela répond un vrai désir des populations du monde entier de toutes les couleurs de forger soi-même son destin en inventant des structures nouvelles et des formes nouvelles.
Aminata Traore
Je crois que vous ne pouvez même pas imaginer la nature de ce qui nous a été servi comme démocratie ! Avec l’envie d’y croire, les plus démunis venue des localités les plus lointaines, mis dans le bus arrive glisse le bulletin avec l’espoir d’un changement… il ne se passe rien si ce n’est la conférence de La Baule dédiée à formater une élite africaine porteuse d’une mondialisation heureuse.
Les peuples n’en peuvent plus. Dans ces bateaux qui traversent la Méditerranée, ils choisissent de mourir c’est du suicide, tout sauf rester ici, d’une élection à l’autre et assister à la mort de son enfant, des écoles qui ferment.
Quelle démocratie nous a-t-on servie, comment se décline-t-elle ; quid du capitalisme, quel système politique au service de quel système économique ?
Mais, lueur d’espoir, la combativité populaire, la revendication d’africanité ! Nous parlons du panafricanisme : on ricane, mais c’est notre creuset, notre force de résistance au leg gaullien de la Françafrique.
Dites Palestine, on vous fait un procès d’intention, dites terrorisme, vous aurez la paix. Mouvement social ? Nous avons nos donneurs de leçons même à mon égard ! J’en ris : « de quoi parlez-vous, je ne vis pas là-bas, je suis ici au Sahel […] j’apprécie tant que vous posiez la question du local, je ne fais que ça ! Et vous, altermondialistes, où est votre, vos autres mondes possibles ! ».
Échecs de nos actions pourquoi ? L’argent, la marchandisation de la démocratie. S’ils disent aller aux affaires, c’est au sens propre et figuré … Ils y vont pour faire des affaires. Quid du sud global soutenons le ! Non pas comme les Etats qui ne nous ont pas concertés. Agir ? …à quel niveau ? Certes nous nous sommes concertés sérieusement entre peuples concernés, mais quid de la question de l’argent ?
La ministre des Affaires étrangères promet de l’argent à la CEDEAO pour impulser le retour à l’ordre constitutionnel des pays aux coups d’État récents. Tout s’achète ! Argent sur la table des noirs : « vous n’avez eu droit qu’à des dictateurs, on va travailler au retour à l’ordre constitutionnel à coup de financement ». De notre côté, les gens baissent les bras non par stupidité. Pour se déplacer, il faut de l’argent français pour la mobylette, la moto, l’essence et les gens n’en ont pas ! Alors ils ne viennent pas. L’arme du financement pervertit tous les partis, les organisations les diverses alternatives… comment faire ?
Pierre Zarka
Juste un mot après ce qu’a dit Aminata sur l’argent. On a parlé de visions du monde à partir des endroits où nous sommes. Entre dénonciation de la loi de l’argent et exigence de maîtriser son sort, il y a un socle commun. Cela ne nie pas les spécificités. Au contraire, cela montre le caractère universel de ce que portent les peuples. J’appelle cela un dénominateur commun. Nos luttes peuvent donc faire échos les unes aux autres. A nous de voir comment.
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