Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Des mouvements qui se développent, des organisations qui déclinent

Christophe Aguiton

Les moments de passage d’un état du monde à un autre sont toujours des grands moments de conflits, d’instabilité, de guerres.

L’impérialisme américain est en déclin sur beaucoup de terrains même s’il a encore une hégémonie culturelle, le dollar et l’armée la plus puissante du monde. La Chine a tous les attributs de la puissance sur le plan économique, une armée qui monte en puissance, un rattrapage technologique extrêmement fort, une projection internationale avec ce qu’ils appellent la « Belt on road » (les routes de la soie). Dans ce duopole qui s’installe, il y a les néo-empires comme la Russie, la Turquie, l’Iran et le Brésil. Tout n’est pas impérialiste, la Palestine et le Mali ne sont pas des États impérialistes, loin de là.

Depuis Obama, la Chine est un pays sur lequel il faut construire une politique de confrontation. Biden a voulu continuer avec l’arrivée de la guerre en Ukraine. Avec la Palestine et le drame de Gaza, les États-Unis sont obligés de s’intéresser à des questions qu’ils pensaient secondaires et qui redeviennent centrales à leur corps défendant. 

Maintenant si on prend le point de vue des mouvements sociaux, il y a selon moi deux problèmes qui ne sont pas de même nature mais qui rendent les choses compliquées.

Cette troisième génération dont parle Gus qui est celle des révolutions arabes, des printemps arabes, des occupy et qui continue, c’est une génération de mouvements non organisés qui remettent en cause les organisations autant qu’ils remettent en cause la politique institutionnelle et les Etats. Cela créé donc des difficultés majeures. 

On a deux courbes qui se croisent la courbe des mobilisations comme en France cette année avec les retraites, les émeutes urbaines, les soulèvements de la terre, et par contre des organisations qui déclinent. Les syndicats ont pu dire qu’ils avaient recruté mais c’est marginal par rapport au gain du mouvement syndical en juin 36 ou en 68. Cela n’est pas spécifique à la France. On retrouve des mouvements de même nature en Iran par exemple et ce n’est pas seulement à cause de la répression. Il y a des questions profondes qui renvoient au niveau général d’éducation qui ne cesse de monter au Nord comme au Sud, au numérique qui remplace beaucoup les outils qui étaient ceux des organisations traditionnelles. Cela crée des difficultés : il y a peu de continuité et peu d’interlocuteurs possibles, parce que tout simplement leur forme est celle d’un agrégat radical d’individus.

La deuxième difficulté c’est que cette fragmentation du monde produit une fragmentation des mouvements. A propos de l’Ukraine par exemple, on a dans les mouvements sociaux 3 positions qui sont totalement différentes. On a notamment en Amérique du Sud, des mouvements qui suivent leurs Etats, en considérant que c’est l’OTAN et les États-Unis d’Amérique au premier chef qui sont responsables de la guerre en Ukraine et donc même s’ils sont critiques, ils soutiendront la Russie. Tous les mouvements au Venezuela, les mouvements autour de la révolution bolivarienne, ont ces positions, ou dans le monde arabe le nationalisme arabe se retrouve de fait à soutenir la Russie. En Europe il y a deux positions : entre ceux qui soutiennent le peuple ukrainien et considèrent qu’ils ont droit à l’autodéfense y compris en lui livrant des armes, qui est la position majoritaire, mais si vous allez en Italie, en Allemagne, en Espagne, ce n’est pas ce que défendent nos homologues, ils sont sur une position pacifiste comme la position du pape : la Russie est l’agresseur, l’Ukraine a le droit à l’auto-détermination et à sa souveraineté y compris dans ces frontières mais le plus important c’est d’arrêter le massacre, de cesser le feu et de négocier. Cela conduit à de l’éclatement.

Ces contradictions sont la marque de la situation contemporaine, il y a une réfraction sur les mouvements sociaux. Cependant  ce n’est pas le cas, et c’est une bonne nouvelle, dans le drame que vit Gaza et la Palestine, des mouvements très importants de solidarité pour la Palestine se développent et les opinions changent à une vitesse incroyable et ce qui se joue aux États-Unis est considérable. 

Les derniers sondages montrent que Biden va perdre face à Trump. Dans toute une série d’Etats comme le Michigan où il y a une population arabo-américaine très importante mais aussi dans les campus américains, il y a des jeunes qui ne sont pas forcément d’origine arabe qui sont très pro Palestiniens et qui n’ont pas envie de voter pour un candidat aligné sur les positions de Netanyahou. On a un mouvement  qui est unifié sur le plan mondial, ce qui n’est pas le cas sur l’Ukraine et c’est un point d’appui malgré le drame épouvantable que vit la population de Gaza pour reconstruire quelque chose. 

Bref des mouvements partout mais avec toutes ces contradictions, la réfraction des luttes entre Etats sur la position des mouvements et la difficulté à agir avec des organisations toutes petites qu’elles soient syndicales, associatives ou politiques et des mouvements très massifs, on verra ce qui va en sortir.

 

Depuis le 7 Octobre

Joëlle Couillandre et Dominique Leduff militant·e·s de
l’AFPS ont séjourné en Cis-Jordanie du 1er octobre au
12 novembre. Initialement parti·e·s pour préparer l’accueil
d’un groupe pour les cueillettes solidaires (raisins et olives),
elle et il ont vécu les évènements en direct dans les territoires
occupés.

Joëlle a écrit un journal quotidien.
Nous l’avons mis en ligne sur le site.
Un témoignage poignant à lire et à partager.

https://ceriseslacooperative.info/2023/11/27/ramallah-
vendredi-10-novembre-2023/

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