Notes d'actu.

Notre récit d’un monde en mouvement.

Sahel : confusion fertile ?

“Un coup d’État, au Niger en tout cas, est un échec de la démocratie, non pas au sens où il ferait échouer la démocratie, mais au sens où il répond à un échec de la démocratie.” Cette remarque de Rahmane Idrissa, chercheur en sciences politiques, résume bien le mouvement de fond qui traverse l’Afrique, bien au-delà du Sahel. Quasiment partout, les indépendances se sont construites sous la forme d’États territoriaux, nationaux, administrés, parfois représentatifs. Cette forme de gouvernement des peuples est (n’est que) l’enfant de l’histoire de l’Europe et de ses surgeons américains et océaniens, l’Occident (sic). Au cours de cette histoire, non pas, la mais de la démocratie s’est insufflée dans le dispositif grâce au système représentatif : direction de l’État soumise à des élections. Histoire légitime. Histoire singulière. Histoire viciée par l’assujettissement du reste du monde au nom de l’invention toxique de « races humaines » hiérarchisées. 

Ce mixe d’émancipation et de domination s’est accompagné du sentiment qu’il n’y avait qu’une seule histoire de l’humanité, que la « modernité » occidentale en était la locomotive et le modèle. Après des siècles de domination directe, les « indépendances » africaines se sont construites sur ce modèle, mouture soviétique comprise. Le riche et séculaire patrimoine institutionnel des sociétés africaines, de formes toutes autres, a été ravalé au rang de « coutumes », de « traditions ». A l’Afrique on a dit : Voici la route et voici les souliers que tu porteras pour aller vers « la modernité ». Comme ces souliers lui faisaient mal aux pieds, on lui a dit : ce sont tes pieds qui sont mal foutus. Ainsi chaussée, « la » démocratie était condamnée à la boiterie. C’est « l’échec de la démocratie » dont parle Rahmane Idrissa. Les fusils accompagnés d’appels à la « refondation » ont actuellement déstabilisé l’édifice dans plusieurs pays du Sahel. La confusion qui en résulte n’est pas condamnée à l’infertilité. On fait quoi ? On se parle ? On s’écoute ? On se respecte ? Ou on coupe la conversation ?

Jean-Louis Sagot-Duvauroux

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