En début de cette décennie 2020/2030, un simple passage rapide en montagne ne permet pas de percevoir l’étendu des bouillonnements en cours, des bouleversements qui se préparent.
En haute altitude, dans les grandes stations, hors-sol et héritières du plan neige des années 70, les grues et les camions de béton sont toujours omniprésents. Alors même que plus de la moitié des logements sont des “volets clos”, dits “lits froids” utilisés moins de 5 semaines par an.
L’obsession de capter les riches clientèles de l’autre bout du monde font encore sortir de terre des projets démentiels d’aménagements lourds et luxueux, avec toujours cette ambition d’avoir la plus grande… station du monde (ou du moins plus grande que celle des concurrents). En montagne, les derniers territoires sauvages d’Europe ne seraient encore, pour certains d’entre eux, que des terrains « vierges », donc, « artificialisables » … ! Le paquebot du 20éme siècle est encore sur sa lancée. Toujours fortement accompagné par les subventions et politiques publiques (notamment régionales, départementales). On pourrait même parfois observer une forme d’accélération de certains projets pour “en profiter” avant… de probables évolutions réglementaires renforçant la protection des espaces naturels !
Mais clairement ce paquebot entre en zone de fortes agitations, voir en périodes potentiellement tempétueuses et… créatives ! Les bouillonnements se généralisent, multiformes, dans des secteurs très diversifiés, mais souvent, sans encore de véritables démarches de coopérations systémiques et sans élan collectif inspirant.
Les signaux dits “faibles” deviennent forts et nombreux.
Des professionnels de la montagne côté tourisme revendiquent que leur intérêt particulier est de plus en plus lié, à une vision collective, à des valeurs portées ensemble…
La multiplication d’initiatives de terrains (agricoles, artisanales, artistiques…) porteuses de démarches alternatives commencent à irriguer certains territoires, face aux modèles encore dominants.
Des dispositifs d’accompagnement en ingénierie territoriale, à petite échelle, aident les acteurs à percevoir le besoin, de coopérations (élus, agents, socio-pros, institutions…), de constructions communes concrètes, en prise avec les grands enjeux…
La grande diversité des formes d’actions des associations et ONG (des Zad perchées dans les arbres aux réunions institutionnelles, en passant par les plaidoyers…) apparaissent de plus en plus souvent comme bien complémentaires
La montée en puissance (quantitative et qualitative) des collectifs citoyens, collectifs d’acteurs, qui s’opposent, à certains projets, mais surtout de plus en plus rassemblent largement pour travailler des propositions, concrètes et/ou de territoriales, qui questionnent les choix et la gouvernance…
Les interrogations grandissantes des milieux économiques qui anticipent les bouleversements potentiellement majeurs et rapides.
La justice qui intègre mieux le droit de l’environnement et délibère plus souvent en conséquence…
Les hauts fonctionnaires qui osent travailler avec une grande diversité d’acteurs pour, entre autres, se libérer, un peu, du poids des lobbies… ne sont plus rares !
Sans faire une liste qui pourrait paraître un peu à la Prévert…
Ce qui émerge dans nos territoires de montagne, c’est une mosaïque qui couvre les territoires, de réflexions, d’engagements nouveaux, forts, diversifiés, déterminés et, le plus souvent, sur des enjeux essentiels.
Même si les freins aux changements sont aussi bien en place, politiques libérales et lobbies, travail en silo et gouvernance étriquée, faiblesse de la coopération des acteurs et des visions alternatives…
Les éléments majeurs existent pour passer à une phase d’accélération des transitions.
Mountain Wilderness, avec d’autres structures, avait déjà été à l’initiative en 2021 de premiers Etats Généraux de la Transition du Tourisme en Montagne (EGTTM). Une démarche inédite qui avait permis de faire travailler ensemble la quasi-totalité des grands acteurs du tourisme simultanément avec les acteurs de 30 territoires montagnards. Des Etats Généraux qui ont de fait contribué pour une part certaine au bouillonnement actuel.
Pour amplifier les dynamiques de transformations, de nouvelles étapes paraissent indispensables :
– Ne pas rester centré sur le tourisme mais travailler la cohérence, “vivre et travailler en montagne à l’année”, par territoire et avec tous les grands acteurs
– Résolument mettre en lumière l’ampleur et la diversité des bouillonnements et engagements, semble indispensable pour accélérer les transitions et écrire ensemble un nouveau récit pour l’avenir de nos montagnes
Une préfiguration d’une version 2 des EGTTM 2024 en version « Transition des Territoires » est actuellement en cours d’élaboration en travail interacteurs. Les ambitions et le format devraient être présentés en début d’automne.
La montagne et aux premières loges des effets, bien visibles et violents, du bouleversement climatique et écologique. La proximité avec les espaces sauvages, inspirants et fragiles, renforce encore la perception, la nécessité absolue pour les humains… « d’atterrir ». Nous représentons 0,01% de la biomasse terrestre mais nous dégradons 75% de la surface terrestre (Cop biodiversité Montréal) ….
La montagne, grandiose, magnifique et fragile (à l’image de notre terre) pourrait, devrait être une source forte d’inspiration pour apprendre à vivre ensemble, à vivre respectueusement. Et imaginer un récit plus réjouissant pour notre devenir. Celui de la vie, en harmonie, sur terre.
Frédi Meignan
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