“On ne tourne pas la page, on continue de l’écrire” Magnifique slogan vu dans la manifestation du 1er mai à Rennes. Il donne l’état d’esprit du moment, signifie une volonté de poursuivre le mouvement.
Oui mais comment ? A partir de ce qu’il s’est passé à Rennes le 1er mai, quelques réflexions.
L’intersyndicale au complet a proposé une manifestation dans le quartier de Maurepas le matin. C’est la 3eme année consécutive que la manifestation du 1er mai se déroule dans un quartier populaire de Rennes, plusieurs syndicats revendiquant la nécessité de créer des évènements dans les quartiers. C’est une volonté louable mais sans liens construits de longue date avec les habitant·es de ces quartiers, c’est une initiative un peu hors sol. En fin de manif, beaucoup de militant·es sont allés s’installer au parc des Gayeulles pour boire un coup, partager un pique-nique, comme une envie de ne pas s’arrêter là. D’autres se sont rendus au 2eme rendez-vous.
Ne souhaitant pas abandonner le centre ville barricadé par les forces de l’ordre depuis plusieurs années à Rennes, Solidaires et la Maison du Peuple appelaient à une deuxième manifestation, l’après midi. Beaucoup de monde, au moins autant que le matin voire plus. Le cadre «institutionnel» de l’intersyndicale n’est ainsi pas le seul moyen de mobiliser.
Et en fin d’après midi, la Maison du Peuple appelait à s’installer Place Saint-Anne pour tenir une assemblée générale, des espaces de parole, des espaces de convivialité et des ateliers artistiques. Un petit air de Nuit Debout soufflait sur la place où se sont retrouvées plusieurs centaines de personnes. Ils et elles se sont faits déloger par les forces de l’ordre dans la soirée. Mais le besoin de se parler et de construire autre chose n’en est pas moins présent.
L’intersyndicale par son caractère unitaire qui permet à chacun·e de ne pas se poser la question du choix du cadre dans lequel il et elle agit, a eu le mérite d’impulser une mobilisation exceptionnelle depuis le 19 janvier. Elle a eu aussi le mérite de considérer qu’elle ne dirigeait pas le mouvement, en appelant et en soutenant des actions qui se déroulent sur le terrain, décidées, conduites par les acteurs et actrices du mouvement. Mais les pratiques délégataires ont encore de beaux jours devant elles et on ne peut pas dire que les AG se sont multipliées pour prendre en charge la conduite du mouvement. En même temps, attachée au cadre institutionnel, l’intersyndicale atteint aussi ses limites. En abandonnant l’idée d’une consultation citoyenne, en fixant à nouveau une journée d’action liée au rythme parlementaire, elle contourne l’obstacle que constitue l’absence d’issue dans ce cadre.
Passer à autre chose et s’inscrire dans l’alternative est nécessaire. Alternative du point de vue des propositions pour de nouveaux droits en matière de retraite. Alternative du point de vue de la démocratie, tant le cadre de la 5eme République est devenu aujourd’hui obstacle à la souveraineté populaire.
Partant de ces réflexions, le collectif de Liffré (35) auquel je participe a décidé de faire sa propre assemblée nationale. 49-3, RIP empêché, débat tronqué, puisqu’ils nous ont confisqué la parole, nous allons nous la réapproprier. Le vendredi 2 juin, le collectif donne rendez-vous aux habitant·es de la commune sur la place de la mairie pour faire le débat et participer à la consultation.
Si cette idée pouvait faire tâche d’huile, comme les casserolades…
Rennes le 6 mai 2023
Sylvie Larue
A lire également
Inconnu au bataillon
Obsolescence du capitalisme, immédiateté de la visée, rapport de force
Que nous disent les luttes…?