Nombre d’ouvrages évoquent les guerres coloniales, d’Algérie notamment. La part des intellectuels français ainsi qu’algériens est étudiée. Un nom demeure peu sollicité, Aragon. Sous le titre « Aragon et la question coloniale » Alain Ruscio lève brillamment la « mal » visibilité.
L’auteur s’inscrit dans le tempo d’Aragon, ce qui lui permet de faire entendre l’articulation de ses prises de parti politiques concomitantes à ses prises de parti littéraires. Il prend bonne note de travaux antérieurs qui affirment que la question coloniale n’est à aucun moment donnée centrale de l’œuvre de l’écrivain. Il pose néanmoins qu’elle n’en fut jamais absente. Fort du pointage précis qu’il mène au long des années qui précèdent l’adhésion d’Aragon au PC, Alain Ruscio livre les éléments marqueurs de son intérêt pour la question coloniale. Ainsi il souligne comme une étape première, la détestation qu’exprime Aragon à l’égard de l’exotisme façon Pierre Loti : « fini les mousmés, les geishas… […] les négresses, les petites épouses » disparition que marque le roman inachevé : Défense de l’infini 1923 1927. La « question coloniale » est le terreau de l’engagement communiste d’Aragon, affirme Alain Ruscio qui le cite : « il s’est produit un fait capital pour nous tous et pas seulement pour moi, la guerre que nous considérions comme un crime et dont on nous avait prédit sur tous les tons qu’elle ne se reproduirait plus, la guerre cette fois c’était la France qui la faisait. Le jour où la France entreprit la guerre du Rif (1921 – 1925) cela été pour nous un grand choc ». Le fort engagement des communistes contre la guerre coloniale marque la période. Aragon adhère au PCF en 1927.
Contre-exposition coloniale de 1931, indépendances et guerres du Vietnam et de l’Algérie, la rupture de Césaire et l’engagement de René Depestre, les décolonisations africaines, la liberté d’Angéla Davis, Aragon fut de tous les combats anticoloniaux.
Catherine Destom Bottin
Aragon et la question coloniale, Alain Ruscio, Éditions Manifeste ! 12 euros
A lire également
Les invisibles
« Retour à Heillange »
Monsieur