Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

A nos corps politiques !

Nous n’avons plus les mots pour décrire ce que nous vivons depuis quatre mois. Ils les ont tous détournés. Jusqu’à terrorisme. Rendant ainsi impossible tout argument raisonné. Confisquant tout débat sensé. Le règne de la confusion. Un brouillard intellectuel. Une bouillie démocratique.

Le meilleur tweet de ces derniers jours c’est celui de Sophie Binet, la nouvelle secrétaire générale de la CGT : « #LOL » écrit-elle pour répondre à celui du chef autoproclamé de la « Nation » à son propre tweet invitant les syndicats à une rencontre après l’adoption de la réforme sur les retraites. LOL. Voilà, tout est dit. Quand les mots manquent, qu’ils ne sont plus le lieu du débat, reste alors de pauvres onomatopées saisissantes, à la suite desquelles on ne trouve rien à ajouter, juste LOL…..comme un rire nerveux, un hoquet verbal, une pensée interrompue. LOL. 

Dans les manifestations, aux pancartes sur les retraites ont succédé celles sur la démocratie et puis plus rien, plus de pancartes, plus de mots, juste des corps qui défilent pour dire on est là et en même temps on n‘y est déjà plus. Sur une des seules pancartes aperçue jeudi 13 avril à Rennes était inscrit deux mots « C’est non ». Plus la force d’expliquer non à quoi, non pourquoi, non comment, juste non. LOL. La rue pour nous compter, pour partager, pour rire ensemble de la folie capitaliste illibérale de ce gouvernement qui ira jusqu’au bout de nos espoirs, jusqu’à l’anéantissement des forces. Parce que c’est notre projet, on était prévenu, pas de démission en vue. Pas d’apaisement non plus de notre côté. 

Aux onomatopées succédèrent alors le bruit des casseroles, partout, devant les mairies. Des batucadas de colère et de joie d’être toujours là. Un dispositif sonore portatif alors interdit dans les manifestations. LOL.

 « Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions de personnes. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres » (Helder Camara). Et Sainte-Soline en fut le terrain d’expérimentation. Sang jours pour agir au service de leur projet. LOL.

C’est maintenant la guerre des corps. Eux et nous, la frontière est nette, ils ne se cachent plus. Eux et nous. Le peuple contre l’oligarchie. Ils tenteront bientôt de nous balancer les corps de l’immigration comme bouc émissaire de nos malheurs. Nous devrons être là, tous/tes. Les barbares ce sont eux et leur brave milice. On a bien fait de faire barrage. LOL. 

Ils donneront tout ce qu’ils possèdent pour leur religion, c’est à dire nos vies. Certain.es sont frappé.es pour ce qu’’ils/elles font, d’autres pour ce qu’ils/elles sont. Mais c’est toujours la même matraque qui frappe. Depuis les quartiers où l’on a expérimenté les armes de guerre, avec les gilets jaunes et aujourd’hui la répression des mouvements sociaux. 

« II faut alors étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait » (F. Ruffin). L’effondrement du gouvernement est là à portée de casseroles et d’onomatopées. Là, entre les interstices militants, dans la spontanéité et la confluence des rassemblements, avec la colère commune qui nous anime, par l’organisation révolutionnaire, par l’imagination de nouvelles formes militantes, par le submergement des actions et des sujets en devenir, par les soulèvements et les coopérations citoyennes, par la création de ZAD expérimentales, d’assemblées populaires locales, de happenings subversifs, en reliant les questions sociales, coloniales, écologiques et féministes. S’opposer dans, contre et à côté du système, chacun/ne, là où cela nous est possible. Tout est lié, nous le sentions, nous le savions, ils l’ont révélé. LOL. 

Nous vivons et analysons dans le même temps des mondes possibles. Aucun retour en arrière, nous sommes désormais trop nombreux/.ses à ouvrir d’autres voies, sans doute dans la peur et le doute mais avant tout dans l’espoir. Comment cela va-t-il se passer ? Ou allons-nous ? A part le vivre dans nos chairs, le raconter et l’analyser en direct et le transmettre dans la foulée, nous ne le savons pas. Nous pressentons la violence à venir mais aussi les solidarités qu’il ne faudra surtout pas lâcher. Et si dans l’entre-deux peuvent surgir des monstres, ce qui est visible aujourd’hui, c’est la conscience que nous sommes en capacité de reprendre radicalement du pouvoir sur nos vies.  MDR.

Corinne LEPAGE, éducatrice populaire et radicale

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

Souveraineté populaire

Une lame de fond traverse la pays. L’illégitimité du gouvernement, du président est devenue insupportable, comme la répression et les atteintes aux libertés. Est-il possible ...
Partager sur :         
Retour en haut