Au moment de la création de l’entreprise publique France Télécom et de la séparation des PTT, le réseau des télécommunications était presque inexistant. Avec comme outil son entreprise FT, l’État a développé ce réseau et en a fait un véritable outil de communication qui, une fois fiable et développé, a été donné par l’État « capitaliste », et non vendu, au secteur privé. France Télécom – devenu Orange – c’est l’exemple d’un secteur novateur où l’État, avec les finances publiques, investit et où le privé récupère l’investissement pour rentabiliser ses capitaux. Une fois le capital placé et enrichi, le secteur public des télécommunications peut « disparaître ».
A France Télécom, le minitel était une création française et un réseau très efficace. Mais entre Microsoft, réseau privé, et le Minitel français public, le politique « capitaliste » a bien-sûr choisi le privé.
Je me souviens d’une intervention, lors d’une question des délégués du personnel dans mon unité, où nous abordions la problématique du manque de techniciens. J’ai mis en avant que l’entreprise publique à son époque, 20 ans plus tôt, formait les techniciens à haut niveau de qualification. Ils pouvaient quitter l’entreprise, et facilement diffuser leurs savoir-faire sur le secteur. Ils représentaient une richesse pour la France et pour tous les réseaux, et c’était reconnu. Un service créé par l’entreprise publique pour l’ensemble du pays. Ainsi, pour développer le réseau de télécommunications, l’entreprise France Télécom a fait le nécessaire pour que ces salariés soient reconnus, bien rémunérés, avec de nombreux avantages sociaux. C’était bien pour tous.
C’est paradoxal, mais l’entreprise publique sert le capitalisme là où il est le plus faible, pour investir, ensuite rentabiliser les capitaux. Devenu privée, France Télécom renommée Orange, remet en question toutes les formations et tous les acquis sociaux. Affirmer qu’une entreprise publique doit être rentable, c’est une technique de langage qui permet le passage au privé.
Aujourd’hui, il est possible qu’on découpe l’entreprise Orange pour créer un service public dont le rôle serait de maintenir le réseau en place. Tous les autres services seraient privatisés. C’est le chemin qui se dessine actuellement avec la création des filiales.
Je pourrais me réjouir de la création d’un service public, d’une entreprise publique du réseau bien sûr, mais elle sera au service du capital.
Dans l’entreprise, France Télécom l’État s’occupait des objectifs et des développements du réseau et les syndicats s’occupaient des garanties pour les salariés. Le système n’a pas changé dans l’entreprise privée Orange, la direction s’occupe des stratégies et les syndicats des conditions de travail, des avantages sociaux … qui disparaissent. Comme organisation syndicale, on n’a pas réussi à mettre en place une prise de conscience des salariés pour s’approprier les stratégies. Peut-être qu’on n’en avait tout simplement pas eu l’idée.
Ce n’est pas à l’État mais aux citoyens et aux salariés de dire ce qu’ils veulent pour le service public de télécommunication. Maintenir une entreprise publique dans le système capitaliste avec l’objectif de dépasser ce système implique de lutter perpétuellement pour son développement au service des usagers, en contestant les logiques de rentabilité. Rien n’est acquis définitivement, c’est ce que montre cette expérience.
Vincent Markides délégué syndical FAPT-CGT
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