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La ville populaire, les rites, le faire communauté


Patrice Leclerc croit à la conflictualité comme nouvelle façon de faire de la politique et nouvelle façon de gérer les villes. Son souhait : que les habitants retrouvent de la fierté à habiter une

ville populaire, qu’il considère être à l’image de la France, plus qu’une ville comme Neuilly ! Le chemin pour y arriver : faire en sorte que les habitants décident de leur mode de vie. Pas seulement à l’occasion des élections, car on débat dans les quartiers, on s’engueule en réunion, à l’occasion des manifestations dans la ville, on se parle à l’école, dans les jardins partagés, à la mosquée… Selon lui, « la commune est le lieu où on peut décider ensemble de faire société, c’est le lieu où on doit avoir envie de vivre dans une ville parce qu’on décide ensemble de la façon dont on vit ». Il reconnaît que c’est plus facile à dire, qu’à faire ! On pourrait ainsi juger « un élu à sa capacité de mettre en musique les conflits d’intérêts qu’ont les uns et les autres et décider ensemble à l’échelle de la ville ».

« Mais comment la ville organise des rites où les gens se rencontrent régulièrement pour avoir le sentiment de vraiment vivre ensemble, d’échanger ensemble, de se disputer ensemble, et d’appartenir à la même communauté locale ? ».

Laurence Boffet partage ce concept de rites, et milite pour le maintien d’évènements, qui ne sont pas forcément identifiés comme tels dans la Métropole de Lyon. Alexandre Grondeau appuie les propos : depuis son invention la ville, lieu d’altérité et d’échanges, est rythmée par des évènements. L’événementialisation est cependant l’objet de processus de marchandisation, sectorisation, et segmentation, et la cohabitation des différents populations de la ville n’y est pas forcément favorisée.

Diangou Traore habite le quartier des Francs-Moisins. Militante engagée et membre du conseil citoyen et associatif, elle parle du terrain, de son expérience d’un plan de rénovation urbaine qui a concerné 10000 habitants, et 1800 logements sociaux. Les réseaux de communication ont fonctionné et permis à chacun d’avoir accès aux mêmes informations en même temps : groupes WhatsApp, amicales de locataires, réseaux de parents d’élèves, mais aussi les jeunes de quartier, « ils ont créé un BFM snap Francs-Moisins qui est d’une utilité publique ».

Ainsi Alexandre Grondeau « identifie un nouveau processus d’urbanisation et de sociabilisation qui est fondé sur l’innovation sociale en rupture avec les codes, les canons, les normes, les valeurs d’un système dominant, un système encadrant normant ».

Patrice Leclerc rappelle que dans sa ville, la sociabilité s’était construite à partir de la vie dans les entreprises. Les comités d’entreprises, les cellules communistes, ou les réseaux catholiques, contribuaient à cette sociabilité. Mais tous ces réseaux n’existent plus. Aujourd’hui il y a « des chemins idéologiques qui s’entrecroisent », un processus d’ubérisation de la société, et une volonté qu’il y ait du commun, “l’individu tyran » côtoie l’individu qui s’investit dans les maraudes de solidarité pendant la crise Covid.

A Gennevilliers, où existent 66 % de logements sociaux, il y a aussi deux jardins partagés par quartier. C’est un espace où jeunes et vieux partagent savoirs et compétences et ce sont des lieux de sociabilité importants. A Montpellier, la demande de jardins partagés a explosé et correspond à un besoin social, observe Anne-Rose Le Van, tandis que Diangou revendique d’habiter le quartier qui a créé un des premiers jardin partagé ! Au fond, ce sont les quartiers populaires qui sont à la pointe de l’innovation sociale !

Mais ce qui rassemble le plus d’habitants selon Diangou, ce sont les fêtes de quartier. Souvenirs émus de ses premières fêtes de quartier aux Francs-Moisins où les mamans faisaient en commun les costumes de leurs filles pour le défilé de mode… Depuis 2015, c’est un festival de cinéma en plein-air que l’association Francs-Moisins Citoyenne a instauré. Mais qu’il a fallu imposer aux élus… « Et ça a été très très dur avec les élus, et on se rend compte que maintenant c’est un lieu de rencontre que la ville met partout en place dans tous les quartiers et c’est un moment que tout le monde attend, tout le monde sait que la deuxième semaine de septembre, il y a le cinéma en plein air, et la distribution des fournitures scolaires, il y a une star qui vient, qui prône le message de paix, de tolérance, d’instruction et de lien social ».

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