Je me place en continuité de la tradition intellectuelle et politique marxiste, et de tous ses successeurs « hétérodoxes », tels que l’école de Francfort, le situationnisme, etc.
De ce point de vue, je définirais le communisme comme le projet de réinstaurer du commun dans une société mue depuis environ deux siècles par une dynamique « d’individualisation factice » de nos conditions d’existence : le renforcement permanent de cadres d’organisation de la société et de l’économie de plus en plus rationalisés et abstraits isole chacun-e, font de nous les rouages de mécanismes qui nous exploitent, nous aliènent ou nous dépossèdent. La démarche communiste devrait donc être suivie avec le souci particulier de raisonner d’un point de vue « matérialiste », c’est-à-dire en partant de nos conditions de vie concrètes et des « systèmes » qui les structurent.
Je considère que les individus qui souhaitent effectivement « s’émanciper » chercheront les logiques à l’œuvre dans l’aménagement de nos vies sociales et tenteront de distinguer entre celles qui émanent de la volonté collective consciente et celles qui se sont autonomisées et ne fonctionnent plus que pour elles-mêmes, faisant ainsi de nous leur matériau. Ce deuxième type de logique doit être débusqué et neutralisé par les individus qui souhaitent faire prévaloir les décisions prises par le collectif, à l’issu d’une discussion permettant de conscientiser ensemble les mécanismes qui nous asservissent ou nous dépossèdent, ou qui souhaitent tout simplement faire prévaloir la liberté individuelle.
Le caractère « commun » du communisme n’est donc pour moi qu’un moyen : seuls les individus qui se fédèrent à partir de leur volonté d’opposer une dimension de leur existence, sont à même de combattre efficacement les mécanismes aliénants. Mais le but reste bien, de mon point de vue, l’émancipation des individus et non la promotion du collectif en tant que tel.
Mes engagements, luttes, et pratiques
Ils en sont l’application que j’ai pu en trouver. Mon implication dans une organisation syndicale me permet d’échanger avec d’autres collègues sur la façon dont notre profession est conditionnée par des logiques qui nous échappent et nous font collaborer aux mécanismes que nous dénonçons, mais aussi sur la forme que pourrait prendre le sens de notre métier si les professionnels et les usagers pouvaient le définir eux-mêmes.
Ma participation à divers collectifs politiques (anticapitaliste, écologiste, etc) me permet le même type de réflexion collective et de tentative de mise en pratique pour contrer la mécanique capitaliste, d’exploitation des ressources naturelles, etc. qui sont les principaux adversaires à mes yeux. Ces engagements sont l’occasion de se confronter au réel, avec des personnes qui sont insatisfaites des mêmes aspects de notre condition contemporaine. Ils permettent aussi de rencontrer au hasard des luttes et des circonstances que favorise l’activité militante, des individus qui ont une analyse différente, voire opposée à la mienne, ou qui ont tout simplement une position sociale absente de mon entourage social. Ce sont les moments les plus intéressants pour mettre à l’épreuve l’approche que j’ai des mécanismes à l’œuvre, comme durant le mouvement des Gilets Jaunes.
L’avenir?
D’une part les mécanismes abstraits qui régissent notre existence sociale vont se radicaliser de plus en plus et finir de recouvrir le peu d’espace qui échappent encore à la vie aménagée, produite et gérée rationnellement. Mais ils vont aussi tendre vers leur point de rupture et connaître des contradictions extrêmes, voire des effondrements dans certains cas.
D’autre part les individus qui souhaitent reprendre en main les conditions de leur existence vont être conduits à affronter intellectuellement et concrètement des problématiques inédites.
Clément Cordier
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