Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

États-Unis : « La grande démission est vite devenue la grande révolte »

(cet article fait partie d’un dossier que vous retrouverez ICI)

C’est ainsi qu’Entrepeneur Europe, un site pro-business analysait récemment la vague de démissions, appelé la grande démission et qui a touché les États-Unis. Presque 5 millions d’Américain·es (3 % de la force de travail du pays) ont quitté leur emploi volontairement, principalement des employ é·es. Le même site articulait, intelligemment, ce phénomène aux grèves qui ont éclaté depuis octobre. Selon plusieurs enquêtes, les démissions touchent d’abord les employé·es âgé·es de 30 à 45 ans. Ces évasions du travail sont les plus nombreuses dans les secteurs du commerce, des transports et des services publics (notamment dans la santé), ainsi que des loisirs et de l’hôtellerie. Beaucoup de femmes ont abandonné leur poste de travail. Rien qu’en septembre 2021, 309 000 femmes ont quitté le marché du travail contre 182 000 hommes. Pour le site Business Insider les raisons de cette « grève générale avec les pieds » « ne sont pas seulement à cause du salaire, mais parce qu’ils [les salarié·es] ne se sentent pas valorisés au travail. »

Une forme d’insubordination sociale

qui ne choisit pas les moyens

d’une expression collective.

Pour Sujata Chaudhry, spécialiste en gestion de main-d’œuvre, « les employés se sont tournés vers le travail à distance pendant la pandémie, les obligeant à réévaluer sérieusement la façon dont ils passaient leur temps et la valeur que leur travail apportait à leur vie. Une bonne partie de la main-d’œuvre du pays s’est rendu compte qu’elle n’était pas entièrement satisfaite du statu quo et a choisi d’explorer d’autres opportunités. » « Je pense certainement que la pandémie a conduit de nombreuses personnes à réévaluer leur travail et leurs priorités et ce qu’elles veulent faire », ajoute Elise Gould, économiste à « l’Economic Policy Institute ». Pour la « Bank of America » « l’insertion dans le marché du travail pourrait rester faible pendant des années. ». Les classes dirigeantes s’interrogent. Certains commentateurs considèrent qu’il y a là l’opportunité de réorganiser les processus de travail et les conseils abondent dans le sens d’une « flexibilité » accrue du travail, censée répondre au besoin d’autonomie des salarié·es. La Gauche et les syndicats semblent plutôt muets sur ce sujet. Interrogé par Cerises, Dan La Botz[1], militant de la gauche radicale indépendante, explique« que cet événement de la grande démission va se terminer. » Il l’explique en raison en partie des salaires trop faibles. Mais aussi parce que des salarié·es au plus fort de la pandémie n’allaient plus travailler et recevaient des aides des États et du gouvernement fédéral. Selon lui « beaucoup de femmes ont aussi arrêté de travailler parce que les écoles étaient fermées. Il est clair que la Gauche, partis et syndicats, quant à elle, reste plus focalisée sur les grèves. En dépit de ces limites, cette vague de démissions illustre une modification de la relation qu’entretient une fraction du salariat au travail. Une forme d’insubordination sociale qui ne choisit pas les moyens d’une expression collective.


[1]Auteur du Nouveau populisme américain, Syllepse, 2018, qui revient notamment sur la crise d’hégémonie de la bourgeoisie américaine sur les classes subalternes.

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