Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Les luttes redéfinissent-elles la politique ?

Prologue : Un climat de conflictualité est installé en France et dans le monde. Il s’inscrit dans la durée et révèle l’ampleur de l’affrontement avec le système d’oppression capitaliste. Que nous disent aujourd’hui, dans une perspective post-capitaliste, ces luttes, ces mobilisations populaires et les pratiques alternatives ? En quoi contribuent-elles à une redéfinition de la politique ? Cerises rend compte d’une riche discussion entre acteurs et actrices des luttes les plus marquantes de ces dernières années.

Dossier illustré par les photos de Serge d’Ignazio et de Brice Le Gall, du mouvement des artistes, intermittents du spectacle et précaires contre la réforme chômage et pour la réouverture des lieux de culture.


Dans les luttes, une autre vision de la société ?

Loi « travail », luttes contre les grands projets inutiles, gilets jaunes, mouvement contre la casse des retraites, marches pour le climat, mobilisations antiracistes et contre les violences policières, mouvement féministe… Ces dernières années ont été riches en mobilisations sur des champs sociaux et sociétaux très divers.

C’est vrai dans notre pays, mais aussi dans d’autres régions du Monde, de Hong Kong au Soudan, des USA à l’Amérique du Sud comme en témoigne la toute récente victoire des femmes argentines qui ont arraché la légalisation du droit à l’avortement.

Toutes ces luttes sont loin d’avoir abouti, mais elles manifestent un climat de conflictualité qui s’inscrit dans la durée et révèle l’ampleur de l’affrontement avec le système d’oppression capitaliste.  

Parallèlement, des pratiques alternatives ont émergé, sans doute encore limitées mais qui expérimentent à leur mesure une autre vision de la société. La crise sanitaire liée à la Covid a ainsi vu un foisonnement d’initiatives citoyennes (solidarités de proximité, fabrication de masques…) répondant pour partie à l’incurie des gouvernants et témoignant de capacités d’auto-organisation au sein de la population.

Qu’expriment ces mouvements populaires aujourd’hui ? Qu’est ce qui bloque leur développement ?

Comment apprécier les formes novatrices de mobilisation qui émergent : grève féministe, grève pour le climat, … ? Quel point d’appui trouver dans leur ancrage dans les territoires ?

Quel rapport aux institutions se dessinent dans un contexte marqué par la montée des politiques autoritaires et répressives ?

Comment les nouvelles formes d’organisation par en bas, portées souvent par de nouvelles générations, bousculent les conceptions traditionnelles de la politique ?

Qu’est-ce que ces luttes et pratiques peuvent, au-delà des appels mécaniques à la convergence, générer en termes de stratégie pour une alternative politique ?

En quoi ces luttes et ces pratiques alternatives peuvent dessiner une perspective de dépassement du capitalisme ? À quelles conditions un processus révolutionnaire serait possible aujourd’hui et avec quelles forces sociales ?

A  l’occasion d’une visioconférence le 5 février dernier organisée par le réseau AEEF, Cerises et des militant.e.s du NPA,  c’est autour de ces questionnements  qu’ont débattu des acteurs et actrices des luttes parmi les plus marquantes de ces dernières années :

Richard Abauzit, Gilet Jaune de MontpellierHélène Derrien, militante pour la défense des hôpitaux et pour l’accès aux soins

Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre FranceFanny Gallot, syndicaliste et militante féministeOmar Slaouti, militant antiraciste des quartiers populaires,

Arya Meroni, militante féministe et anticapitalisteKevin Vacher, à propos des pratiques d’auto-organisation dans les quartiers populaires de Marseille et de leur rapport aux institutions.

Bruno Dellasudda, Bénédicte Goussault, Sylvie Larue, Henri Mermé ont extrait de ce passionnant débat, les idées qui leur sont parues essentielles. Ce travail a pu se faire grâce à la collaboration de Corinne Le Fustec, Jean-Louis Griveau, Christophe Lemasson pour le décryptage de la bande son, merci à eux ! 

L’équipe de rédaction de Cerises


Des luttes et des mobilisations basées sur l’auto-organisation

Les mobilisations citoyennes et les mouvements sociaux des dernières années -et encore en cours- ont ceci de commun : elles et ils se basent sur une auto-organisation et le plus souvent en-dehors de tout cadre organisé de type syndical ou associatif traditionnel. C’est vrai pour les Gilets Jaunes, mais aussi des mobilisations climat, ou des nouvelles expressions du féminisme et de l’antiracisme. Auto-organisation, volonté d’agir directement, de prendre ses affaires en mains sans s’en remettre à d’autres, méfiance vis-à-vis de toute représentation ou délégation de pouvoir, ne sont pas des caractéristiques propres aux mobilisations en France : il en est ainsi partout dans le monde depuis plus de dix ans.

Pour Richard Abauzit, les Gilets Jaunes se sont appuyés « sur les réseaux sociaux pour le déclenchement de la lutte, avec surtout des jeunes à l’initiative ». Les GJ « n’avaient pas l’habitude des manifestations organisées, encadrées et déclarées, et qui ont surpris le pouvoir ». Des AG se sont tenues, suivies de tentatives de coordination des différents groupes de GJ, avec des mandaté·es. Leur façon de lutter reposait sur l’auto-organisation, le refus de déléguer à des chefs.

C’est une myriade de formes d’organisation très souples

Hélène Derrien indique quela mobilisation fonctionne avec « des comités locaux, souvent animés par des jeunes aux initiatives originales. L’utilisation des réseaux sociaux est fréquente et nous bouscule parfois ».

Khaled Gaiji précise : « Les nouvelles formes d’organisation ont toujours été présentes dans les luttes et la créativité y a toujours existé, surtout chez les jeunes. Résister, c’est créer et créer, c’est résister ! Ce qui a vraiment changé, c’est l’utilisation des réseaux sociaux, avec une montée en compétences chez les jeunes qui s’organisent de plus en plus. Dans les mobilisations climat, il y a une grande utilisation par « des jeunes autour de Greta Thunberg, de réseaux sociaux alternatifs ».

Fanny Gallot rappelle l’existence « d’une dynamique féministe mondiale, en particulier dans les grèves : le féminisme reconfigure les mouvements sociaux qui concernent d’autres questions ». Elle donne « l’exemple des chorégraphies des Rosies au moment du mouvement des retraites avec de nouvelles formes d’actions comme les flash mobs qui ont beaucoup circulé à l’échelle mondiale, reprises par les réseaux sociaux ».

Elle précise aussi que dans d’autres mobilisations comme celles des facs et labos en 2020, « les groupes féministes locaux sont présents pour gérer la mobilisation en étant attentifs à toutes les questions féministes, un révélateur de la période. La nouvelle dynamique féministe est très jeune et l’hashtag restriction en septembre concernant la mobilisation sur les tenues vestimentaires au lycée a été un mouvement très puissant, de dimension internationale. Le féminisme se renouvelle par l’irrigation d’autres luttes et par de nouveaux objets ».

Kevin Vacher militeau croisement des questions du logement, des quartiers populaires, du droit à la ville et de la démocratie locale, « un gloubi-boulga un peu comme ça », aux côtés de « gens qui font comme ça pour s’accaparer, s’approprier, défendre leur espace local à Marseille », notamment au travers du « syndicat des quartiers populaires de Marseille -créé en 2017- et du collectif du 5 novembre créé dans le quartier des Noailles en 2018 où deux immeubles se sont effondrés, provoquant la mort de 8 de mes voisins », précise-t-il.

« Il y a eu six marches à la suite de ce drame, marqueurs importants de maturation pour les mouvements locaux populaires marseillais ; mouvements syndicaux, associatifs et collectifs citoyens de différentes causes ont pu se réunir d’une façon inédite : une mobilisation populaire majeure.

photo de Brice Legall

La pratique nouvelle depuis deux ans, c’est qu’il y a un acteur collectif qui s’est auto-identifié sous le label de collectif citoyen…

C’est une myriade de formes d’organisation très souples sans entité juridique, pour la plupart, qui s’organisent au niveau local, en quartiers ou cités, sur une cause principale. On retrouve des pratiques autogestionnaires et libertaires. Il existe encore d’autres collectifs citoyens, comme « ceux qui ont conduit la liste du Printemps marseillais » vainqueur des élections municipales de 2020.

« On retrouve trois caractéristiques transversales à tous ces collectifs citoyens, aussi différents soient-ils : ils sont a-partisans et sans conflit avec les organisations politiques; ensuite leur pratique politique est de faire sans attendre -et ce n’est pas par principe idéologique que les gens se sont constitués en collectifs citoyens: l’absence de l’État et des forces politiques pousse les gens à s’organiser par eux-mêmes dans des situations dramatiques, le collectif du 5 novembre n’a pas seulement organisé la mobilisation populaire: il a aussi organisé à la place des pouvoirs publics la solidarité sociale et juridique, en la politisant. Autre exemple, le Mac Do de Sainte Marthe réquisitionné par ses ancien·nes salarié·es, des habitant·es et des militant·es pour le reconvertir en plate-forme de solidarité, d’aide alimentaire et en restaurant social et d’insertion, avec une valeur du faire très importante-.

On prend les choses en main

Et, troisième caractéristique commune : ces collectifs s’identifient par le local. C’est très important, on l’a vu dans d’autres mobilisations ou villes, chez les Gilets Jaunes (…) quand beaucoup se sont questionnés sur la possibilité d’une pratique municipaliste », au moment des élections ».

Kevin Vacher établit un lien entre ces pratiques et « l’action directe » mais les degrés de radicalité des collectifs « sont très différents ».

L’action directe, c’est « faire sans attendre, sans pour autant faire contre, donc sans les pouvoirs publics mais en coopérant. Pendant un an, on a construit avec le collectif du 5 novembre un document de politique publique, une charte du relogement, document de droit pour les personnes évacuées de leur immeuble (5000 depuis deux ans, à cause de la dangerosité de leur logement), on a créé de la politique publique en assemblées de citoyen·es avec les personnes concernées, des experts venus soutenir les personnes évacuées, on a fait par nous-mêmes (…), on n’a rien demandé, sans tourner le dos aux pouvoirs publics, dans une politique de négociation et de coopération de type para-syndical».

Arya Méroni évoque « son expérience au sein d’une assemblée féministe auto-organisée, à Toulouse », comme dans l’État espagnol ou en Amérique latine. Elle fait le lien « avec de nouvelles formes de militantisme comme celles des colleuses, de collectifs auto-organisés ». Jusque-là, « il y avait de la délégation sans jamais préparer. On est parti du constat que les collectifs féministes ne permettaient plus la mobilisation car c’était toujours les mêmes féministes des syndicats, des partis, qui prenaient en charge les actions…

Donc l’idée était de sortir de ça, de faire venir du monde dans le féminisme et dans les pratiques quotidiennes dans une forme transversale, auto-organisée, sans attendre les agendas des syndicats et des partis politiques, sans être en opposition non plus. C’est pareil dans d’autres villes, il y a aussi des collectifs plus jeunes comme les colleuses, qui ne viennent pas des syndicats ou des partis : ce sont des jeunes qui en ont eu marre des violences subies et qui ont décidé de les coller sur les murs. On prend les choses en main : on fait, que ce soit par collage ou par d’autres formes. La rue, on la prend ! Avant, on mettait des semaines à se mettre d’accord sur un rassemblement ou une manif », pour un faible résultat. Les nouvelles générations veulent discuter, décider, et par là, refaire de la politique, sans passer par le canal des organisations syndicales ou politiques ou même associatives, c’est plutôt comment faire nous-mêmes de la politique.

Du coup, ça change complètement la façon de voir le militantisme dans lequel on va non plus attendre qu’on nous donne notre place mais plutôt la prendre : le féminisme porte beaucoup ça, tout le monde est à égalité, il y a un désir égalitaire, y compris dans la lutte ».

photo de Brice Legall

Pour Omar Slaouti, « Ce qui est nouveau, c’est que certaines luttes vécues hier comme secondaires, le féminisme ou l’antiracisme, ont à présent une légitimité. On a réussi à imposer un agenda politique et un vocabulaire :  le terme islamophobie qui écorchait la gueule à beaucoup de gens, et même le terme de violences policières, se sont imposés… 

Et ce ne sont pas des syndicats ou des partis qui l’ont imposé, c’est l’influence de collectifs contre l’islamophobie et les violences policières, comme le collectif Adama Traoré qui a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes dans un contexte de mondialisation des violences policières et en relation avec la campagne Me Too contre les violences faites aux femmes. La lutte contre le projet de loi Sécurité globale prolonge celle du collectif Urgence Violences Policières. L’application UVP permet de filmer la police : c’est devenu une question politique. Ce sont bien les quartiers populaires et leurs collectifs militants qui ont imposé leur agenda politique, aux gouvernements et aux tenants du pouvoir mais aussi aux partis de gauche, avec un renouvellement générationnel ».


Intersectionnalité ou convergence ?

Un des problèmes qui se pose aux militants engagées dans les luttes actuelles, qu’elles soient nouvelles ou renouvelées, c’est celui de leur dispersion et/ou de leurs convergences : comment créer une dynamique collective tout en gardant l’identité et la singularité de chacune…

Les liens entre les  mouvements /les coordinations se nouent à l’initiative des uns ou des autres. Le mouvement féministe semble très ouvert à la construction de liens avec d’autres luttes.

Fanny  Gallot « Je voudrais me concentrer sur une autre caractéristique de cette dynamique mondiale, c’est la manière dont le féminisme reconfigure les mouvements sociaux qui concernent d’autres questions. Un féminisme complètement immergé dans d’autres mouvements sociaux et qui les reconfigure. Concrètement en France il y a dans la dernière période 1000 et un exemples dans les luttes écolos, anti racistes, contre le libéralisme, le néo libéralisme, etc…La mobilisation contre les réformes des retraites a donné pour la première fois la place aux femmes. Donc un  féminisme qui se renouvelle par l’irrigation d’autres luttes et par de nouveaux objets ».

La convergence avec les forces syndicales et politiques interroge les militants mais…

Richard Abauzit « A partir de janvier 2019, des tentatives de convergences ont eu lieu avec les forces syndicales, associatives, politiques. Les formes d’organisation ont ensuite évolué: la composition sociale des groupes s’est légèrement transformée, c’est-à-dire que sont arrivés un nombre non négligeable, mais réduit dans la durée, de militants organisés, politiques ou syndicaux, issus des classes moyennes ».

Kevin Vacher « Bien sûr il y a aussi pour les luttes des sans papiers, des actions en commun avec certains syndicats comme Solidaires ou la CGT qui ont compris qu’il fallait intégrer dans leurs logiciels les luttes de celles et ceux qui sont totalement marginalisé.es et invisibilisé.es ».

Khaled Gaiji « Plus jamais ça, c’est une sorte de coalition, un collectif d’associations, écologistes, sociales, féministes. Il y a eu une accélération des discussions qu’on avait, ça datait des universités, des résidences d’ATTAC, de la CGT,  Greenpeace et ATTAC qui ont discuté ensemble et du coup on est arrivé à la conclusion qu’il fallait qu’on construise une grande coalition pour que nos différentes luttes s’unissent, ce qui est une nouveauté ».


Le local, le quartier, un territoire commun, permettent la convergence des luttes

Kevin Vacher   Des collectifs qui s’identifient par le local. Je voudrai donner quelques exemples de là où je milite, le Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP) et de manière générale des luttes dans les quartiers populaires, des luttes contre l’islamophobie… De fait ce sont les quartiers populaires et leurs collectifs militants qui ont imposé leur agenda politique au Gouvernement. La force du local, là-dessus, est assez intéressante et c’est ce que nous apporte le mouvement municipaliste.

Les dissensus ? Convergence ou dénominateur commun ?

Pierre Zarka « Concernant la notion de convergence… on s’interroge sur une autre organisation de la société et du monde …qu’on aille au-delà de la notion de convergence vers celle de dénominateur commun. Ce qui n’est pas la même chose. C’est-à-dire que personne n’abandonne son propre terrain, ses propres motivations. Je pense qu’on se dégage du catégoriel pour commencer à faire peuple. C’est-à-dire à être le peuple à travers ce qui est dit et dans toutes ses composantes. Et cette diversité, cette multiplicité ce n’est pas ce qui complexifie mais ce qui permet d’arriver à un nouveau type d’homogénéité ».

Khaled Gaiji « Il y a des formes de radicalisation systémique dans ces structures, c’est un changement majeur, c’est quand il y a une convergence de lutte, on parle d’intersection maintenant, ou alors on parle effectivement de dénominateur commun.  Certains sociologues parlent des blocs sociaux antiraciste, féministe, et nous aux Amis de la Terre, on pense qu’il faut rapprocher ces blocs, parce qu’on est une famille commune.  Stratégiquement il faut vraiment qu’on se rapproche pour être une force qui bouleverse le système ».  

Richard Abauzit « La question du dissensus se pose dans tous les groupes de gilets jaunes puisque dans les gilets jaunes il y avait tout le monde, il y avait des gens avec des opinions politiques très fortes au départ. Sur les groupes qui n’ont pas trouvé de méthode pour régler ses divisions en général, ils se sont dissous assez vite, ils ont éclaté.  Pour ce qui concerne notre groupe, dés le premier mois, à la première réunion du collectif, en assemblée générale on a décidé que les sujets dont on savait qu’il y aurait des divisions  insurmontables, on n’en parlerait pas, qu’on dégage des objectifs de lutte sur lesquels on était tous d’accord ».

Hélène Derrien « Sur la gestion des dissensus que je lierais bien à la question de convergence ou quête de dénominateur commun, souvent  on fonctionne  beaucoup au consensus  effectivement.  Il n’y a pas de vote, on essaie de discuter  jusqu’à  ce qu’on tombe d’accord, on va dire.  Après je crois que ce qui est important,  et c’est là qu’on rejoint l’idée de dénominateur commun, c’est finalement quel objectif on se fixe. Et jusqu’où on est prêt à aller pour faire les choses ensemble ». 

Omar Slaouti « Il faut qu’on puisse assumer le dissensus et même l’assumer politiquement; c’est très important.  Par exemple quand je vois comment certains gilets jaunes ont assumé la question “de l’arabe” avec ce que nous a dit le camarade, c’est juste dramatique. Parce que si Macron avait ordonné qu’on enseigne l’anglais en primaire, ça serait passé comme une lettre à la poste. Ce qui pour moi est un problème.  De la même manière d’ailleurs que le collectif qui lutte aujourd’hui contre la loi sécurité globale.  C’est une cinquantaine de structures.  Pour éviter les problèmes, ils ont décidé de  s’articuler uniquement autour de 2/3 articles,  et pas la totalité de la loi ».

Assumer le dissensus et même l’assumer politiquement

Kevin Vacher « Les pratiques de minorité/majorité ne sont pas des modes sains de décision, en réalité.  Ce sont des pratiques d’écrasement par définition, par essence. Ce n’est bon qu’en dernier recours lorsque, vraiment, on a pas d’autre solution. Ces pratiques de consentement sont assez intéressantes parce qu’elles nous font sortir de ces rapports, justement, majorité-minorité qui sont des rapports dominants recomposés au final et qui croisent des rapports de domination.

Chercher à unifier sans uniformiser

Toute dernière chose, toujours dans cette idée qu’il y a des choses qui se font aujourd’hui dans les contradictions du capitalisme qu’il ne faut pas ignorer sur l’intersectionnalité, la relation au singulier, je/nous.  Souvent on entend les militants, dans les plus anciennes générations, qu’ils disent que les réseaux sociaux c’est individualisé – on l’entend aussi chez les jeunes, d’ailleurs –  que ça individualise les gens, que les gens n’ont plus le sens du collectif. C’est entièrement faux en fait. C’est juste la reconnaissance de plein de singularités et ça apprend beaucoup de choses à beaucoup de jeunes. Ce sont des modes de politisation qui échappent pour l’instant à la gauche et qui sont très, très puissants. Justement parce qu’ils  entrent parfaitement dans la reconnaissance d’identités plus précises, plus plurielles qui peuvent former un “nous” sans problème ».

Les identités préservées/respectées, collectiviser les luttes implique et nécessite de préserver les identités de chacun

Catherine Bottin Je voudrais souligner ce que je trouve remarquable dans les manifs d’aujourd’hui c’est la présence qui ne se dément pas de banderoles individuelles qui ne sont pas signées par des organisations mais qui portent des mots d’ordre inventés par les participant.es. La bonne nouvelle c’est que les gens ne s’en remettent plus à d’autres et disent ainsi : «C’est moi tout entier avec mes préoccupations qui suis dans la manif». Cela dit leur engagement individuel dans la bataille du moment ».

Fanny Gallot « Cette idée de chercher à unifier sans uniformiser. C’est faire en sorte que l’on soit travailleuse du sexe, qu’on soit noire, qu’on soit musulmane, qu’on soit trans, on ait toute notre place dans ce mouvement féministe qui se reconfigure aujourd’hui et  que personne ne se sente exclu pour ce qu’il est, pour son identité ».

C’est l’action qui rassemble

Kevin Vacher  « Les collectifs que j’ai pu observer, soit en y participant, soit en les côtoyant régulièrement, c’est  plutôt une démocratie par l’action, très peu formalisée, on retrouve cela dans pas mal de mouvements, ce sont des collectifs unis par une cause très précise et vers l’appétence du faire. Quand je dis démocratie par l’action en y réfléchissant cela peut se décliner de trois façons : la plupart du temps c’est le consensus, le groupe est très homogène autour de la cause commune, le groupe du 5 novembre dans lequel j’ai milité est très  hétérogène socialement et en terme de parcours militants, mais homogène dans l’unité autour de la cause, ça c’est un très fort moteur de consensus.  Ou bien par le consentement, il n’y a pas forcément de vote, mais on consent à ce qu’une grande partie du groupe, ou une majorité, ou une minorité fasse ce qu’elle veut sans que ce soit contradictoire avec le reste… D’autres le font très bien comme Assa Traoré ».

Du rapport aux institutions

Quel rapport aux institutions se dessine dans un contexte marqué par la montée des politiques autoritaires et répressives ? Comment les nouvelles formes d’organisation par en bas, portées souvent par de nouvelles générations, bousculent les conceptions traditionnelles de la politique ?

Quand l’État ou les services publics  sont absents, les gens s’organisent par eux-mêmes.

Kevin Vacher à propos du Collectif du 5 novembre à Marseille créé à la suite de l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne : « l’absence de tout ce qui est lié à l’État  font que les gens commencent à s’organiser par eux-mêmes dans des situations dramatiques. Le collectif a organisé quasiment à la place des pouvoirs publics, tout le travail de solidarité soit sociale, soit juridique et évidemment en le politisant. On a créé la politique publique en assemblées de citoyens, avec des personnes concernées, des experts, venus soutenir les personnes qui s’étaient fait évacuer. On a fait par nous-mêmes sans attendre que les politiques nous répondent. Faire sans attendre et obliger l’acteur d’en face à se positionner ».

Hélène Derrien pour ce qui concerne le secteur de la santé :  « Ce qui est intéressant aussi et n’est pas une forme de lutte mais pourrait le devenir, c’est ce qui s’est passé au moment de la gestion de la pandémie :  il y a eu une reprise en main de la situation par les professionnels de santé. Un gros ras-le-bol s’est exprimé à l’égard du poids des directions, du poids de l’autoritarisme des ARS . Les gens ont vraiment ressenti que les professionnels c’étaient eux et qu’à côté, les usagers avaient leurs mots à dire et qu’il y en avait assez des restrictions, des diktats, de l’autoritarisme. »

Certains mouvements sont tentés par l’action juridique, comme possibilité de rendre effectifs des droits inscrits dans les lois ou les constitutions.

Kevin Vacher observe que « c’est le cas dans beaucoup de mobilisations écologistes, où il  s’agit  d’aller chercher des points d’appui dans le droit existant. Ce n’est pas rien. On a pu, parfois, un peu s’éloigner de ces mobilisations judiciarisées parce qu’elles ne sont pas assez massives. C’est vrai qu’elles ont des défauts. Mais ce n’est pas anecdotique de se dire qu’on va aller récupérer ce qu’on a déjà gagné à l’intérieur du droit, ce qu’on a déjà pu forcer dans le droit, pour fonder les mobilisations ».

A l’inverse, certaines mobilisations vont s’affranchir des modèles institutionnels.

Richard Abauzit  « Ces manifestations des Gilets Jaunes faites par des gens qui n’avaient pas l’habitude des manifestations organisées, encadrées et déclarées ont surpris le pouvoir qui a été parfois débordé un peu partout et pas seulement sur les Champs Élysées. C’était un avantage ». 

Khaled Gaiji parle d’une forme d’insurrection assez spontanée qui a bouleversé un peu tout le monde, et qui  a beaucoup interrogé dans les organisations traditionnelles. Richard Abauzit précise aussi que le fait de refuser de déléguer à des chefs ne permettait aucune marge de manœuvre au pouvoir, aucune négociation possible avec des représentants.

Des organisations traditionnelles bousculées par ces nouvelles formes de mobilisations

Pour « entrer en politique » pas forcément besoin de partis, de syndicats, associations … De nouveaux espaces se créent, sur des rond-points ou dans des lieux plus classiques, où se mêlent citoyens, militants associatifs, syndicalistes, politiques, où l’action rassemble, cimente la construction du consensus, où les rapports majorité-minorité sont souvent rejetés.

Refuser de déléguer à des chefs ne permettait aucune marge de manœuvre au pouvoir

Arya Meroni, militante féministe : « on prend notre place et on fait de la politique ensemble. Le féminisme porte beaucoup ça. Tout le monde est à égalité et c’est ce désir d’être égalitaire y compris dans la lutte qui nous pousse à ne pas attendre les agendas des syndicats et des partis politiques, sans pour autant être en opposition. On se demande comment on peut faire nous-mêmes de la politique et s’outiller pour le faire ».  

Omar Slaouti : « De fait ce sont les quartiers populaires et leurs collectifs militants qui ont imposé leur agenda politique certes au Gouvernement et aux tenants du Pouvoir mais aussi aux partis traditionnels de gauche. C’est aussi parce que certain.nes ne se sentent pas représenté.es dans ces partis ou dans les luttes syndicales qu’ils ont agi par eux-mêmes. Bien sûr il y a aussi pour les luttes des sans papiers des actions en commun avec certains syndicats comme Solidaires ou la CGT qui ont compris qu’il fallait intégrer dans leurs logiciels les luttes de celles et ceux qui sont totalement marginalisé.es et invisibilisé.es. »

Colette Corfmat rappelle combien dans les années 70-80  les luttes féministes ont longtemps été difficiles dans les différents syndicats ou partis dans lesquels elle militait.


Quel rôle alors pour les organisations ? Et la gauche dans tout ça ?

Michelle Guerci observe l’effondrement des forces de gauche et s’en inquiète fortement. Pour elle « le rôle d’une organisation politique, ça peut être de réfléchir à ce qu’il faut mettre en avant pour inverser la tendance à la fascisation et faire en sorte que dans ces luttes qui existent, qui se renouvellent, il y ait une possibilité de remettre en cause le pouvoir.

Et le rôle d’un parti, c’est de travailler à quels mots d’ordre, quelles pratiques, mettre en avant pour que la question du pouvoir soit posée afin d’inverser la vapeur par rapport à la possibilité du fascisme ».

Au rencart toutes les batailles qui tiennent du leadership ! 

Pour Catherine Destom-Bottin « Ces nouvelles formes de mobilisations n’invalident pas l’importance des organisations mais au contraire les renvoient à leur vrai boulot : permettre l’expression des individus, leur enthousiasme, leur capacité d’expression, leur humour, leur envie de combattre.

Et ça change le rôle des organisations : à elles de faire en sorte que l’intervention des individus qui choisissent de participer à une initiative prise par des organisations, y participent pleinement et en particulier sur l’appréciation du rapport de force. Et cela met au rencart toutes les batailles qui tiennent du leadership ! »

Kevin Vacher observe que « la mobilisation populaire sur la question du logement à Marseille a été d’une importance majeure, et un des éléments clefs de la crise du système et du départ de la droite locale. Les mouvements syndicaux, associatifs et collectifs citoyens de diverses causes différentes ont pu se réunir d’une façon jamais atteinte. C’est un acteur collectif qui s’est auto-identifié sous le label de collectif citoyen . Ce sont des modes de politisation qui échappent pour l’instant à la gauche et qui sont très, très puissants. Justement parce qu’ils  entrent parfaitement dans la reconnaissance d’identités plus précises, plus plurielles qui peuvent former un “nous” sans problème ».

Pour Pierre Zarka « ceci tend à condamner la sempiternelle dissociation du social et du politique. L’idée que l’on ne pourrait réellement faire de la politique que pendant les périodes électorales et le reste du temps serait réservé au social. Ce qui est une forme d’amputation ».

Hélène  Derrien partage le même constat : « on sent bien aujourd’hui qu’on a passé un cap et que dans de très rares exceptions, on n’a plus tellement ce raisonnement là qui consiste à dire on ne va pas plus loin car c’est politique ».

Richard Abauzit s’interroge : « Quand on dit gauche, on pense sans doute élections, on pense partis politiques, et c’est là où l’on se trompe à mon avis. Je donne un exemple : en 2011 j’avais participé avec d’autres à la tentative de création d’un Front de Gauche des Quartiers Populaires sur le quartier de La Paillade à Montpellier. Dans les discussions, on a buté entre ceux qui étaient militants de partis politiques, de centre-ville, qui voulaient à tout prix que dans les objectifs on marque qu’on était de gauche avec ceux des quartiers populaires qui disaient « si vous mettez gauche on perd les trois quart des gens qui nous suivent parce que pour eux gauche ça veut dire pareil que la droite ». Dans ce cadre-là évidemment on a perdu .  Dernier exemple, sur notre rond-point on avait une dame commerçante, de droite, qui participait très activement au mouvement et un jour elle me dit « mais, Richard, je ne sais plus où j’en suis parce que quand même tout ce que l’on demande c’est de gauche»…  

Christine Poupin conclue : « la politique était au-dessus des mouvements sociaux, elle lui donnait le sens et l’horizon, et dans notre réflexion on a intérêt à inverser le propos. L’ensemble de ces mouvements et mobilisations produisent de la politique au sens de morceaux d’un autre projet politique et on a besoin de reconstruire un projet émancipateur ».


Les germes de l’alternative ?

Le refus des dominations, des injustices est le point de départ, mais en cheminant, le rapport au système capitaliste émerge. Dans un premier temps la question d’un autre monde n’est pas posée.

Dans un premier temps ce que nous rapportent les intervenant.es c’est que dans les luttes auxquelles elles et ils participent, la question d’un autre monde qu’il faudrait construire n’est pas vraiment posée. Cela est largement développé par  Omar Slaouti  : « Le problème c’est la question que tu poses. C’est-à-dire dans un premier temps quelles sont les nouvelles alternatives, les nouvelles formes de luttes. Et on referme cette première question sur une deuxième question qui est “oui mais, comment on fait pour dépasser le capitalisme ?”. Mais ce n’est peut-être pas la première préoccupation de ceux et celles qui se mobilisent aujourd’hui.  Voilà l’écueil qu’il faut à chaque fois éviter. C’est-à-dire, avoir un regard plutôt bienveillant sur les nouvelles formes de mobilisation, sur les nouvelles revendications… et en même temps, ne leur donner de légitimité que si elles s’inscrivent dans le dépassement du capitalisme. Sauf que, comme cela a été dit par différent.e.s intervenant.es on est actuellement dans des cadres de mobilisation qui répondent à des urgences sociales, des urgences écologiques. Je peux vous dire que sur un ensemble de questions, il n’y a pas actuellement celle du dépassement du capitalisme, mais plutôt comment fait-on pour qu’il n’y ait pas une fascisation de la société ? Comment fait-on pour que les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier puissent s’emparer des luttes sur la racisation de la société et sur les inégalités. Pas simplement parce qu’il peut y avoir Marine Le Pen demain au 2e tour et que cette question du dépassement du capitalisme paraît presque ubuesque.  Du coup c’est la deuxième partie de la question qui m’intéresse : comment dépasser les formes de domination ? On ne libère pas les femmes, elles se libèrent d’elles-mêmes. C’est vrai pour l’ensemble des secteurs aujourd’hui qui sont mobilisés, qui subissent des dominations spécifiques, il va falloir le reconnaître. Je le dis d’autant plus fort que sur la question de l’islamophobie, on a un vrai problème.  Il faut bien comprendre que l’urgence aujourd’hui pour celles et ceux qui vivent l’islamophobie dans leur chair, et bien c’est de pouvoir créer une nouvelle légitimité de lutte par l’auto organisation, et puis l’imposer à l’ensemble du mouvement ouvrier. Franchement ça n’est pas gagné, mais ce qui est certain c’est qu’il va falloir vous habituer à la présence de ceux et celles qui ont été complètement invisibilisé.es, qui revendiquent le droit d’exister, pas comme on souhaiterait qu’ils existent dans un cadre uniquement « lutte de classes ». Ça veut dire que pour pouvoir la dépasser évidemment par rapport au pouvoir en place, il va falloir aussi que l’ensemble du mouvement ouvrier, les syndicats, les partis politiques, soient présents aux côtés de ceux et celles qui luttent en particulier contre l’islamophobie, les violences policières… ».

La lutte contre toutes les dominations est présente et en creux celle contre le capitalisme

Cependant la question de la lutte contre toutes les dominations est déjà bien présente et d’une certaine façon, en creux, celle du dépassement du système actuel dans lequel ces luttes sont menées. C’est ainsi qu’Aya Méroni réagit aux propos d’Omar Slaouti :  « Il me semble en fait que ce qui est dit fait partie du dépassement du capitalisme. C’est un peu le sens de ce que je voulais dire sur le mouvement féministe et notamment international. Le fait de se réclamer aujourd’hui en tant que partie de la population complètement invisibilisée notamment en dehors de l’agenda de la “lutte des classes” traditionnel, le fait de dire qu’on veut exister comme on l’entend, et pas comme on voudrait nous définir de l’extérieur, en fait je pense que ça fait partie du dépassement du capitalisme. Si on réfléchit un peu à tout un tas de questions qui sont portées par les nouvelles formes de mobilisation, par exemple dans le mouvement féministe, si on prend à l’international la question du droit à la terre des populations indigènes en Amérique latine, le fait d’exister c’est aussi contre le système. ».  

Kevin Vacher intervient dans le même sens : « Je repartirai de là : certain.es attendent que les mobilisations actuelles visent la sortie du capitalisme en elles-mêmes et les critiquent quand elles ne le font pas. C’est une absurdité pour les raisons qui ont déjà été évoquées ; et aussi parce qu’il me semble, dans une tradition marxiste matérialiste, qu’on a toujours considéré que ce sont les gens intéressés qui décident de leurs formes d’expérimentation et d’action. On doit retrouver là-dedans ce que certains appellent des “gisements de socialisme”, des potentialités entravées que le système dominant empêche et qui pourtant sont déjà en train d’exister. C’est cela qu’on essaie de repérer à la fois dans les revendications qu’on porte et dans les solutions qu’on trouve. Quand je disais qu’il y a une appétence pour le “faire” par soi-même, ce n’est pas théorique ou juste du désir. C’est aussi parce qu’on est contraint de faire par soi-même qu’on on va chercher des solutions. C’est déjà en soit une perspective ».

A sa façon Hélène Derrien va dans la même direction mais pour indiquer que ce n’est pas encore gagné : « Dépasser le capitalisme et les systèmes de domination, c’est vrai que dans le domaine de la santé c’est parfois un petit peu compliqué.  Il y a des choses qui progressent énormément, si je reprends les combats qui se menaient avec les comités locaux pour la défense d’une maternité, d’un service d’urgence, du maintien de lits, on sent bien aujourd’hui qu’on a passé un cap et que sauf dans de très rares exceptions, on n’entend plus dire « on ne va pas plus loin car c’est politique ». C’est-à-dire qu’aujourd’hui le cap est franchi qui permet de se rendre compte que c’est effectivement l’application d’une politique de casse des services publics dont celui de la santé. Au niveau des hôpitaux cela me paraît beaucoup plus compliqué, il y a des médecins qui ont une certaine culture, sont issus de certains milieux, c’est difficile. Au total  on est un petit peu sur une ligne de crête avant de basculer pour dire tous ensemble que c’est d’une autre politique dont on a besoin »

Khaled Gaiji: « Avec le mouvement des gilets jaunes on est amené à penser autrement, « fin du mois fin du monde même combat », on ne va pas proposer des taxes injustes, justes sur le plan environnemental mais totalement injustes sur le plan social et donc les choses ont beaucoup changé. Et ces rapprochements sont vraiment très intéressants, nous avons un même adversaire qui est le système dominant, le système capitaliste, le système patriarcal, il faut continuer ce travail en commun ».

Une esquisse d’une autre conception de la société

 Richard Abauzit : « Moi je crois que la bonne nouvelle c’est le soulèvement des gilets jaunes et c’est une chance historique pour retisser les liens perdus parce que les gilets jaunes c’est tout le monde.  Ce n’est pas une catégorie sociale, c’est tout le monde, salarié.es ou pas, jeunes ou vieux, femmes ou hommes, et les objectifs des luttes des gilets jaunes comme c’est tout le monde, c’est la justice sociale et la démocratie, et ces objectifs ce sont ceux du plus grand nombre qui peuvent permettre de faire peuple.  Et pour cela on a pas mal avancé … parce que les objectifs qui sont les nôtres, sont ceux de tout le monde, et que ces objectifs sont évidemment incompatibles avec le système capitaliste. »

Il n’est bien sûr pas question de conclure une telle discussion et le principal est sans doute de l’avoir entamée. En témoigne cet échange entre Pierre Zarka et Omar Slaouti.

Pierre Zarka : « Je voulais revenir rapidement sur une remarque à propos du dépassement du capitalisme : il ne faut pas faire dire aux intéressé.es ce qu’elles-ils ne veulent pas dire. Ce n’est pas tout à fait le sens de la problématique quand on écoute les différentes interventions, mais il y a déjà une esquisse d’une autre conception de la société, on est déjà au-delà de la protestation et du refus et on commence à mordre sur autre chose. Sur  le féminisme, les migrant.es, le climat ce n’est pas encore convergent mais manifeste une maîtrise pour s’entendre sur l’horizon que nous voulons dépasser, et  sur quoi nous nous entendons ».

Et à cela Omar  Slaouti répond : « Il  y a de fait dans toutes les luttes sociales de nouveaux horizons qui s’impriment, pour d’autres choix de société, pour autant actuellement on est sur un temps beaucoup plus long qui ne permet pas un horizon anticapitaliste  car en réalité il y a des divergences de fond. Il y a des mouvements qui doivent être regardés à égalité sans qu’on partage l’ensemble de leurs logiciels, il faut mettre en mouvement l’ensemble de ces mouvements sans niveler les aspérités des contradictions internes qui existent. Il y a des problèmes structuraux et le mieux qu’on puisse faire c’est un mouvement des mouvements».


Des mobilisations et des pratiques alternatives… au projet de société

Afin que, comme nous l’avions souhaité, cette séance de travail collectif ne soit pas une rencontre sans lendemain, mais l’ouverture d’un chantier, nous vous proposons de nous revoir en prolongeant le débat :

À partir de ces luttes, de la manière dont elles se pensent, pouvons nous construire une vision alternative de la société débarrassée de l’exploitation et des oppressions ?

Avoir une vision post-capitaliste suppose-t-il de devoir s’aligner sur des projets livrés clés en mains ? Celle-ci, loin de mettre toutes les composantes populaires dans un même moule, n’est-elle pas à partir de chaque lutte, le moyen de dégager un dénominateur commun à toutes, en assumant la reconnaissance des oppressions imbriquées ? N’est-ce pas alors le moyen de donner davantage de puissance à ses actions dans la mesure où elles porteraient des solutions et où chacune serait reconnue indispensable par les autres ?

Notre pouvoir de faire sans nous en remettre aux institutions, nos actes de désobéissance, nos pratiques alternatives, ne sont-ils pas les germes de la construction d’une autre société?

Nous vous proposons de continuer la discussion lors d’une  nouvelle

RÉUNION-DÉBAT en VISIO-CONFÉRENCE

JEUDI 8 AVRIL de 18h à 20h30 

La soirée s’organisera autour de deux questions :

1 / Comment une convergence et un dénominateur commun, pourraient-ils se construire dans les luttes contre les oppressions imbriquées?

2 / En quoi et comment les mobilisations et pratiques alternatives évoquées, germes d’une autre société, permettent elles la construction d’un projet politique alternatif ?

Richard Abauzit, Gilet Jaune de Montpellier

Hélène Derrien, militante pour la défense des hôpitaux et pour l’accès aux soins

Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre France

Fanny Gallot, syndicaliste et militante féministe

Omar Slaouti, militant du Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires

Arya Meroni, militante féministe et anticapitaliste

Kevin Vacher, à propos des pratiques d’auto-organisation dans les quartiers populaires de Marseille et de leur rapport aux institutions

Pour participer à la rencontre, voici LE LIEN DE CONNEXION

La conférence sera diffusée en direct sur la page FaceBook de Cerises la coopérative.

Pour l’équipe de préparation de la rencontre : Florence Ciaravola (Réseau Autogestion Alternatives Altermondialisme Écologie Féminisme), Jean Louis Griveau (Réseau AAAEF), Sylvie Larue (Cerises, la coopérative), Christine Poupin (militante du NPA), Pierre Zarka (Cerises, la coopérative)

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