Considérations sur l’unification syndicale.
Le dossier du mois traite des possibles germes d’une renaissance de la gauche. Mais de quelle gauche parle-t-on ? S’agit-il de croire à la xième tentative social-démocrate dont l’objectif premier demeure de gagner les prochaines élections dans le cadre institutionnel actuel ? Ou parle-t-on de la gauche sociale, de la gauche qui agit directement dans les entreprises et les services, de la gauche qui est au cœur des grèves de travailleurs et travailleuses sans-papiers, de la gauche qui participe à l’auto-organisation de territoires, donc de cette gauche qui, elle-même, ne se définit pas forcément par ce terme ?
Et si l’espoir venait du mouvement syndical ? Du congrès de l’Union syndicale Solidaires à celui de la FSU, en passant par les déclarations du secrétaire général de la CGT, la question de l’unification syndicale est régulièrement pointée, comme jamais depuis bien longtemps. Dans quelques secteurs, par exemple celui de l’éducation, elle se traduit par des travaux fédéraux communs concrets. Bien des écueils sont à éviter. Le premier risque est de circonscrire ces discussions aux équipes militantes nationales. Ce serait faire preuve de naïveté, que de penser que l’aspiration à l’unité syndicale, à l’unification du syndicalisme de luttes, est discutée aujourd’hui dans de nombreuses sections syndicales. On s’y réfère et/ou on l’appelle de ses vœux, mais concrètement ?
C’est à cela qu’il faut travailler sans tarder : l’unification comment ? Quiconque prétend l’organiser par le ralliement à son organisation actuellement existante décide, en réalité, de ne pas la rendre possible. Comme le firent certaines fédérations CGT et CGTU avant la réunification confédérale de mars 1936, sans doute faut-il d’abord inventer un fonctionnement novateur ; par exemple, par la création de nouveaux syndicats unitaires, unifiés, tout en laissant fonctionner quelques temps les actuelles structures CGT, FSU, Solidaires, CNT-SO, etc., avec en première étape une double appartenance possible, le temps que la confiance s’installe à travers la pratique quotidienne. Mais s’unifier pour uniquement additionner ses faiblesses serait, de fait, renoncer à peser plus fort dans le rapport de force, ne guère avancer vers l’émancipation sociale. Au-delà de l’unification se pose la question des pratiques, des contours du syndicalisme. Pour donner du souffle à la démarche vers l’unification, celle-ci doit être couplée à de profonds bouleversements : une vraie priorité aux collectifs syndicaux interprofessionnels locaux, la prise en compte des mouvements sociaux au sein du syndicalisme, l’ouverture vers l’ensemble des travailleuses et des travailleurs y compris celles et ceux aujourd’hui en marge du salariat ; voilà trois axes forts.
Mais quel rapport avec la Gauche ? Presqu’aucun, s’il s’agit de ne parler que des groupes en compétition pour les prochaines échéances électorales propres à la démocratie bourgeoise, massivement déconsidérée et qui n’a jamais eu pour horizon l’autogestion, l’autonomie de la classe sociale des productrices et producteurs. Au contraire, le rapport est direct si le propos est de savoir comment (re)construire le chemin vers l’émancipation sociale.
Christian Mahieux
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