La réalisatrice israélienne Daphna Levin donne à son polar The Truth (la vérité), une dimension existentielle. Intrigue classique : un meurtre qui mime un crime vieux de 10 ans alors même que la justice s’apprête à trancher si le suspect d’alors est coupable ou pas. Immédiatement, le doute s’installe : aurait-on condamné un innocent, est-on face à un imitateur sadique, ou le suspect tire-t-il les ficelles depuis sa prison ? Intrigue classique ? En apparence : derrière cette question plane un sentiment de culpabilité collective et un regard critique et douloureux sur l’image du passé.
La série cultive une ambiguïté entre figures d’autorité, suspects égarés et victimes collatérales d’un système en déliquescence. Comment ne pas penser que cela interroge la légitimité des institutions et souligne la fragilité de ce qu’est la vérité sur laquelle repose la société israélienne ? A travers son intrigue policière, la série aborde des thématiques lourdes telles que la culpabilité collective, la mémoire nationale, ou encore le poids des non-dits avec une subtilité qui évite tout didactisme. Au compte des non-dits il y a cet énigmatique rabbin ou ces femmes qui voudraient bien autre chose mais n’osent pas affronter ouvertement. Cela nourrit la montée d’une paranoïa sociale qui transforme chaque habitant en suspect potentiel. The Truth effectue une plongée vertigineuse dans les fractures d’une société en tension, à travers une enquête troublante qui appelle à dépasser les évidences.
Et si la vérité n’était qu’un récit bien construit ? La série joue habilement avec cette idée, pour rendre cette interrogation incontournable. Haut du formulaire – Bas du formulaire.
L’enquête pousse l’héroïne, policière marginalisée par la hiérarchie, à rouvrir des blessures mal refermées, dans un pays lui-même en quête de vérité. Entre interrogatoires, revirements et pressions politiques, The Truth dresse un portrait cru d’un système judiciaire sous haute tension, où la justice n’est pas toujours rendue par les institutions.
Impossible de dissocier l’intrigue de The Truth de son contexte politique. En abordant de front les dérives du système judiciaire, la série touche un nerf sensible d’Israël, pays où les tensions identitaires, les violences de genre et les fractures sociales ne cessent d’alimenter des tensions que nous ne découvrons que depuis peu. Sans jamais tomber dans le didactisme, la mise en scène de Daphna Levin utilise les codes du thriller pour mieux explorer les tensions internes d’une nation sous surveillance et le fossé entre pouvoir et personnages. On ne peut s’empêcher de penser aux récentes manifestations de rue pour défendre l’indépendance de la justice et aux mises en cause du pouvoir en place. Cette noirceur, loin d’être gratuite, s’inscrit dans une volonté de révéler les failles collectives, tout en donnant chair à des trajectoires individuelles bouleversantes ancrée dans la réalité d’un pays en crise. À travers une enquête portée par une héroïne marquée par le passé, Daphna Levin parvient à conjuguer suspense, émotion et critique sociale. Les personnages sont en quête de vérité, ils ont été trompés sur le passé y compris sur LEUR passé et ce phénomène entraîne un fossé entre générations. Des jeunes auxquels on s’attache héritent d’un grand vide et finissent dans l’impasse. Il n’y a pas de place pour eux.
Comment ne pas penser à l’actualité qui aujourd’hui, secoue Israël ? Et ne sommes-nous pas, nous aussi, questionné/es par « nos » vérités ?
Une série qui mérite d’être recherchée pour être vue.
Pierre Zarka
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