Le village enneigé de Drohobych fête sa victoire : il a fait échec à la tentative de privatisation de l’usine de sel. L’entreprise deviendra un bien communal. Reste la question de son mode de gestion dont discutera la population.
La même semaine, en cette fin janvier, un événement surprenant s’est produit à l’Académie des forces terrestres de Lviv. Suite à la dénonciation dans la presse de mauvais traitements par les cadets, le directeur a démissionné. Le nouveau directeur, le colonel Roman Kachur, a été élu démocratiquement par les militaires de l’Académie au moyen d’un vote en ligne.
Toujours la même semaine, une militaire homosexuelle, victime de persécutions de son commandant, a obtenu gain de cause avec l’aide du syndicat de militaires LGBT+ dont elle est membre. Le commandant a été sanctionné et rétrogradé. Il lui reprochait, entre autres, de porter l’écusson de son syndicat sur son treillis.
Pour autant ces trois évènements ne peuvent pas cacher les souffrances sociales qu’endure le peuple ukrainien, en plus de l’impitoyable guerre menée par Poutine, en raison de la politique néo-libérale menée sans relâche par le gouvernement Zelenski. Les contre-réformes visant à détruire le Code du travail se succèdent. Sous couvert « d’optimisation » des hôpitaux sont fermés et les salaires ne sont pas payés comme à l’hôpital de Boryspil [Oblast de Kyiv] depuis deux mois (janvier 2025) un exemple parmi d’autres. A Lviv, où 6 000 mineurs n’ont pas vu leurs salaires payés pendant des mois, leur syndicat accuse : « Les salaires impayés non seulement aggravent les difficultés financières des familles minières… mais privent également de la possibilité d’aider plus de 800 employés de l’entreprise qui sont dans les forces armées ukrainiennes et auxquels ils fournissent tout le nécessaire (munitions, drones, voitures, etc.) »
Depuis le début de la guerre, ce sont des dizaines de milliers de travailleurs/euses qui se sont engagées dans les forces de défense ukrainiennes pour défendre leur pays mais aussi leurs acquis sociaux et démocratiques que menace l’impérialisme russe. Nombre d’entre eux-elles syndiqués/es sont toujours en lien avec leur syndicat qui leur rend visite sur le front pour leur apporter soutien matériel et moral.
La politique anti-sociale en cours impacte particulièrement la jeunesse. Pour les coursiers de l’entreprise Glovo face à une réduction du prix de leurs courses :« Il est évident que face à des centaines, voire des milliers de coursiers en grève, ces cinquante imbéciles de la direction ne feront pas grand poids » (collectif Glovo rébellion, 22 janvier 2025). La jeunesse étudiante fait face à des réductions de bourse et à des conditions d’études déplorables notamment en raison de la non-réparation des dortoirs endommagés par les bombardements russes. Le syndicat de gauche étudiant Priama Diia, entre deux collectes pour soutenir les militaires sur les fronts, ou l’aide au déblaiement des conséquences de bombardements, organise la résistance sociale. Dans plusieurs facultés, il a imposé des réparations « sous contrôle étudiant ». Le syndicat suit et contrôle le travail des entreprises chargées de la remise en état des dortoirs.
« Il nous faut donc lutter sur deux fronts : contre l’impérialisme russe et contre le capitalisme oligarchique… et patriarcal dans notre pays » nous expliquait récemment une militante féministe de Lviv. De l’issue de la lutte sur ces deux fronts dépendra l’avenir de l’Ukraine. Un enjeu que la gauche européenne ne devrait pas sous-estimer. Pour elle-même et l’Europe.
Patrick le Tréhondat
Image : ©Ceriseslacooperative
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