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Quand les articles du journal font réagir.

… La contestation (aussi) se mondialise

Dans l’éditorial de décembre Christian Mahieux indique : « Les mouvements sociaux, éminemment politiques, portent les germes de changements radicaux, de ruptures ». Ces mouvements se poursuivent, même s’ils ne font pas la Une de l’actualité. 

Grande-Bretagne 

Du 12 au 31 décembre, près d’un million de travailleur·euses ont été en grève. Les cheminot·es, déjà mobilisé·es depuis plusieurs mois, vont débrayer pendant une semaine. Les 115 000 employés de Royal Mail privatisée qui avaient été en grève pendant deux semaines en juillet, ont annoncé dix autres jours d’arrêt de travail. Ajoutons les bagagistes d’aéroport, le personnel des autoroutes, les ambulanciers et même le Royal College of Nursing des infirmières qui annoncent vouloir se mettre en grève. La question de l’augmentation des salaires est au cœur du mouvement revendicatif alors que l’inflation dépasse les 11%. Selon la Confédération britannique des syndicats (Trades Union Congress), ce sont 20 000 livres sterling (environ 23 000 euros) que les salarié·es ont perdues entre 2008 et 2021. Sur les piquets de grève des cheminot·es, les syndicalistes du RMT appellent à la grève générale. À l’heure où nous écrivons ces lignes nous ne savons ce qu’il en sera. Cependant, la force du mouvement, qui reste sectoriel, est un avertissement au gouvernement de Rishi Sunak le nouveau premier ministre britannique. La résignation et le sentiment d’impuissance, après tant de défaites sociales, semblent avoir été surmontés dans le camp de salarié·es. La direction des Trades Union Congress doit offrir des perspectives aux salarié·es dans la construction du rapport de force avec le patronat britannique. Cela passe certainement par la proposition de revendications unifiantes. La tête du Labour Party est plutôt inquiète de ce désordre social, elle qui comptait attendre patiemment les prochaines élections. Lorsque ce numéro de Cerises sortira, peut-être aurons-nous des raisons de nous réjouir : « Working class is back ». 

Patrick Le Tréhondat

Chine : le ras-le-bol anti-covid

La Chine a été, fin Novembre, le théâtre de grèves inattendues. Harassés par la politique « Covid-zéro » de Xi Jinping, mais aussi révoltés par leurs conditions de travail, des milliers de travailleurs du complexe industriel de Foxconn ont protesté. L’étincelle ? De nouveaux cas de Covid dans cette usine d’IPhone, qui devaient entraîner le confinement et l’isolement des salariés. Ça, et les salaires impayés. 

Au même moment, à Beijing, Shangaï et partout en Chine, des manifestations éclatent à la suite d’un incendie mortel survenu dans un immeuble confiné à Urumqi (Xinjiang). Dix morts qui auraient pu être évitées si les habitants avaient pu sortir à temps.  

Assiste-t-on vraiment à un appel général à plus de libertés ? D’après Camille Brugier, chercheuse à l’IRSEM contactée par 20 minutes (article du 29/11/2022), ce serait plutôt « un ras-le-bol contre la stratégie zéro-covid et la hausse des prix des denrées alimentaires ». Et puis, les images d’un monde qui reprend vie, sans masque, comme avant, a atteint la Chine via le Qatar. 

Une aspiration plus large à la liberté, plus révolutionnaire, peut-elle s’envoler à partir de là ? Les étudiants ont rejoint les manifestants. Même si des arrestations ont eu lieu, et que le Parti Communiste Chinois a fait, au départ, la sourde oreille, la politique zéro-covid s’est assouplie. Les autorités renoncent aux mesures les plus radicales. Une petite victoire qui pourrait laisser des traces dans les esprits : même la censure été contournée… Brandie à bout de bras, une simple feuille blanche, symbole de tous les interdits, est devenue aussi le symbole de l’ingéniosité d’un peuple poussé à bout.

Alexandra Pichardie 

Vague inédite de manifestations contre la France en Afrique 

Autrefois la France a pu produire une part importante de sa consommation de métaux grâce à son sous-sol (fer, bauxite, zinc, germanium et bien sûr nickel en Nouvelle Calédonie). Ce n’est plus le cas contrairement aux USA et à la Russie qui ont sur leurs propres territoires les matières première essentielles. Les minerais stratégiques de la France sont aujourd’hui importés du continent Africain. 

La jeunesse africaine, les populations, voire les gouvernements n’entendent plus en être floué-e-s ou être réduit-e-s à la seule extraction payée des queues de cerises !!!

La multiplication des actuelles manifestations antifrançaises en Afrique témoignent de cette volonté renouvelée de sortir de la dépendance économique et politique à l’égard notamment de la France.

Ainsi lit-on dans les colonnes du « 360 Afrique » du 24-07-2022 : « Auchan et Total Énergies payent le plus lourd tribut à ce sentiment anti-français qui se développe chez les jeunes Sénégalais. Lors des manifestations de mars 2021, Auchan a vu 19 de ses magasins saccagés, avec des pertes financières évaluées à plus de 15 milliards FCFA (soit 22,7 millions €) Aujourd’hui, les activistes, refusent la présence excessive française dans les économies africaines, avec un discours à la limite violent mais partagé par une grande partie de la population ».

Ces manifestations à l’égard de la France semblent toucher l’ensemble du continent. Jusqu’en République Sud-africaine où s’est déroulée « Une manifestation inédite contre la France.  La mobilisation a été organisée par la gauche radicale proche de la Russie » titre France-info Afrique le 27-05-2022.  

« Le Point » titre le 15-08-2022 : « Barkhane dégage : manifestation au Mali contre l’armée française ! ». Le même hebdo poursuit le 19 septembre : « Niger : manifestations contre la présence militaire française et la vie chère, aux cris de « Barkhane dehors », « À bas la France », « Vive Poutine et la Russie ». 

Libération du 23-11-2022 choisit de ne pas mouiller la Russie dans les affaires françaises et titre : « l’hostilité contre la politique française en Afrique ne faiblit pas ».

Le fait est que d’Alger à Antananarivo (Madagascar), de Bangui (République Centrafricaine) à Dakar Sénégal, de Ouagadougou (Burkina) à Abidjan (Côte d’Ivoire) en passant par Niamey (Niger) la presse africaine pointe vivement les politiques économiques et militaires de la France.

E. Macron s’en est ému à TV5MONDE lors du Sommet de la Francophonie le 19 novembre dernier : « Le discours antifrançais en Afrique : c’est un projet de prédation […]. Il y a comme un retour du refoulé aujourd’hui et il est très utilisé par plusieurs puissances qui jouent leur influence dessus. […] Moi je ne suis pas dupe, beaucoup d’influenceurs […] qui sont sur vos plateaux […] sont payés par les Russes je le sais très bien, on les connaît. […] c’est la France qui est attaquée ». Macron ou la vision d’ampleur …

Catherine Destom Bottin

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