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Post-capitalisme, (suite 2) Le droit au logement

Un processus de transformation n’est ni indéterminé ni prédéterminé mais toujours surdéterminé par des tensions structurelles et conjoncturelles entre possibles et impossibles. Le passage d’une société marchande à celle démarchandisée ne peut se faire d’un coup, mais par passage plus ou moins rapide de seuils qualitatifs, sources potentielles de ruptures, une extension progressive des sphères non-marchandes, dont le seuil maximal créera une bifurcation vers une autre société où le marchand minoré ne pourra plus dominer nos vies.

Prenons la crise du logement en France.  85% des résidences principaux sont privées, 15% des logements sociaux. Résultat d’une politique visant à maximiser la propriété et source d’injustices, d’inégalités et de contradictions profondes mêmes pour ses partisans. dix millions de mal-logés, quatre millions de demandeurs de logements, et 350 mille sans domiciles fixes, dont beaucoup avec un contrat de travail, parfois en CDI, alors que 75% des ménages sont éligibles au logement social ! Une pénurie entretenue, qui oblige à prioriser son accès aux plus pauvres, mais du coup fait hurler à la ghettoïsation ! Alors que le logement social est le meilleur outil d’une mixité sociale choisie,  l’idéologie marchande dominante pousse à l’accès à la propriété, avec un endettement massif des ménages facteur d’un risque avéré de futures copropriétés dégradées ! La droite vante le « tous propriétaires » mais pleure l’absence de mobilité sur le marché du travail. La social-démocratie priorise la propriété comme régime normal mais regrette une France d’héritiers et de rentiers ! Et la gauche de la gauche combat la location saisonnière, et se bat pour davantage de moyens pour le logement social, mais ne dit rien sur la domination écrasante du marché. Or, 53% des logements privés appartiennent à moins de 7% des propriétaires ! La financiarisation du logement a laminé le propriétaire individuel par les multi-propriétaires, institutionnels, foncières, assurances et banques dans une logique soutenue et aggravée de rente et de spéculations. Une République qui proclame un droit au logement que non seulement elle n’assume et n’assure pas mais fait tout le contraire, crée colères envers ses politiques, méfiances envers les institutions et défiances envers une démocratie vidée de sa substance.

Et si, face à cette situation catastrophique la réponse était une sécurité sociale du logement assurant sur tout le territoire et à chacun-e le droit inaliénable d’un accès concret à un logement tout au long de la vie, quelles que soient les évolutions des parcours de vie, par la création d’un grand service public du logement ? Qui se substituerait aux multi-propriétaires, assurerait les constructions neuves nécessaires dans une répartition territoriale répondant aux besoins, mais aussi la rénovation massive et égalitaire du bâti existant, l’un des plus grands défis de justice écologique. Mais le logement n’est pas un bien quelconque, il est une part constitutive de l’autonomie de nos vies individuelles, intimes et collectives supposant une pleine appropriation psycho-sociale par une habitabilité de haute qualité. C’est dire l’antinomie avec le logement social actuel qui prend en charge et administre la vie de ses habitants. Ce qui démontre l’enjeu radical d’une organisation autogestionnaire à toutes les échelles de ce futur service public !

Toute alternative au capitalisme suppose une libération des imaginaires pour faire radicalement autre chose à partir des déjà-là, et de le faire radicalement autrement ! Mettre fin à la domination vorace, virale et mortifère du capital, dont la logique imprègne aujourd’hui même des secteurs non-marchands, invite à intégrer le logement dans le socle de communs indispensables, permettant d’assurer à chacun selon ses besoins et ses moyens une part existentielle de sa vie par une haute pratique d’appropriation sociale.

Makan Rafatdjou

 

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