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Les désirs guerriers de la modernité

Moderne : une polysémie dans les sciences sociales, mais un sens dominant comme nouveau, contemporain voire innovant, antinomique à l’ancien voire à l’obsolète. Si le modernisme qualifie l’engouement voire l’injonction à cette néophilie, la modernité recèle une problématisation de ce qui semble aller de soi, une réflexion critique sur ce qu’elle induit ou traduit, voire une autocritique de ses logiques inhérentes et de leurs impacts sociétaux : universalité ? rupture en soi et pour soi ? captation par le capitalisme ? arraisonnement par la technique ? un style, un/une mode, une cause ? Dans cette filiation, et une approche éco-féministe et internationaliste décapante, l’auteure interpelle l’ambivalence du rapport à la guerre dans nos sociétés au cœur d’une histoire sensible de la modernité et des affects guerriers tant dans les élites intellectuelles qu’au sein des populations. Depuis les fascinations culturelles technologiques et idéologiques pour les conflits comme intensification de l’expérience de soi et mode de détermination de hiérarchies sociales, jusqu’à nos penchants actuels de mise à distance de morts lointains et compassion avec les morts proches, en passant par les nationalismes exacerbés, les adhésions actives au fascisme et nazisme, et la colonisation durable de nos imaginaires par les logiques patriarcales, nos sociétés ne cessent d’osciller entre anesthésie et frénésie générales. Une culture de paix, loin de rejeter les combats indispensables (liberté, égalité, justice, émancipation, écologie… ou contre l’anéantissement nucléaire) suppose de forger l’avenir en se fabriquant d’urgence d’autres héritages.

l Makan Rafatdjou

Les désirs guerriers de la modernité, Déborah V. Brosteaux, Éditions du Seuil, 2025, 214 p., 21,50 €

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