Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Le bénévolat interroge le travail

Le bénévolat qui a un certain nombre de caractéristiques communes avec le travail rémunéré et l’emploi, mais aussi des différences notables comme l’absence de rémunération, peut permettre de réfléchir autrement le travail.

Il y a aujourd’hui 16 millions de bénévoles en France :  48% d’hommes et 52% de femmes ; 31% de jeunes de 15 à 34 ans, et 26% de plus de 65 ans ; 11 millions dans des associations, c’est l’équivalent de 1 320 000 à 1 460 000 temps pleins…

Le bénévolat se déploie dans les domaines les plus divers : la culture, le social, l’éducation, l’informatique, la plomberie, la menuiserie, l’électricité etc…  Un débat s’ouvre parfois à ce sujet : les bénévoles prendraient-ils la place et l’emploi des jeunes ? Ce n’est sans doute pas tout à fait le cas car ce ne sont pas les mêmes modes ni les mêmes conditions de travail, mais cela révèle les proximités et différences entre le travail versus l’emploi et le bénévolat…  D’où la possibilité de repenser le premier au regard du second.

Le bénévolat se définit comme « action non rémunérée au bénéfice d’autrui pour une cause ou un intérêt collectif » ; et le travail peut se définir comme « activité de l’homme appliquée à la production, la création, l’entretien de quelque chose : travail manuel, intellectuel » … L’emploi, enfin, comme « tout travail permettant de percevoir un revenu au titre du travail effectué, durée, rémunération, droits, lien de subordination ou non le définissent ». On peut donc dire que les bénévoles effectuent un travail mais sans emploi…

Sans rémunération, le bénévolat interroge le sens du travail : produire, créer, entretenir, correspondent tout à fait aux activités bénévoles comme au travail rémunéré ; par contre le bénévolat n’est pas lié par une rémunération et tout ce que cela comporte… D’où la question : en quoi et dans quelle mesure la rémunération impacte-t-elle le sens du travail ?

La rémunération et l’exigence de rentabilité du travail, et notamment du travail salarié, entraînent des conditions de management et imposent aux travailleurs conditions de travail et soumission aux contraintes organisationnelles… Ce qui n’est pas le cas du bénévolat… Si le bénévolat partage avec le travail salarié l’exigence de compétences et un engagement (sans contrat) il a l’avantage d’être libre et volontaire, et non contraint, de permettre des marges de manœuvre, des initiatives et une certaine maîtrise de son action, au-delà de la seule exécution.

Certes le salaire est souvent la première raison du travail pour beaucoup de travailleurs, mais  il peut s’agir aussi d’un épanouissement, d’une réalisation de soi, d’un statut social et d’une reconnaissance sociale et, là, le bénévolat remplit exactement les mêmes attentes[1] : certains retraités bénévoles disent vivre enfin leurs passions (par exemple  la lecture aux enfants des écoles …), d’autres y voient une deuxième chance, d’autres la possibilité de mettre à disposition des compétences, d’autres enfin de militer et/ou de participer à la vie locale, ce que les jeunes bénévoles et les militants (entre autres) cherchent aussi.

Le bénévolat permet aussi d’être inventif et novateur, et de prendre des initiatives en créant des services en réponse à des besoins sociaux pour lesquels la société n’a pas de réponse, initiatives qui peuvent être ensuite relayées par des politiques publiques, c’est-à-dire du travail rémunéré… ou bien qui resteront dans le domaine du gratuit pour la société ce qui peut paraître injustifiable.

Serait-il vraiment utopique de chercher à retrouver ces caractéristiques du bénévolat dans l’emploi salarié ?

C’est un peu la revendication de beaucoup de travailleurs salariés : au-delà de la simple exécution de leurs taches, être maître de leur travail, en décider l’organisation et se donner le temps et les moyens de le faire bien dans une certaine indépendance et dans de bonnes conditions …

Bénédicte Goussault

[1] B. Goussault : Que faire de sa retraite /Une vie à inventer éditions de l’atelier 2015

Cet article fait partie du dossier :

Horizons d'émancipation

N’abandonnons pas le travail

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