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Gauche : la peur de gagner, ou le syndrome de l’échec?

checkmate, chess, board

         La façon dont se déroule et s’organise cette campagne électorale est d’évidence marquée par les conditions de la dissolution et la menace de l’extrême droite. Mais il s’y passe des choses fort intéressantes. Et des interrogations non moins saillantes.

         D’un côté, sans faire preuve de manichéisme, on assiste à une mobilisation aux formes multiples, souvent « intenable », impalpable, que personne ne « maîtrise ». dans des comités locaux, notamment par les réseaux sociaux, qui dépasse rarement les urgences de la campagne. Gagner/éviter le RHaine d’abord, on verra ensuite… De l’autre un certain nombre de militant·e·s consacrent une part non négligeable de leur énergie à casser du Mélenchon, à s’offusquer de la candidature Hollande, à focaliser sur antisémitisme et purges, au risque parfois de tomber dans les remous idéologiques que Bolloré impose au débat médiatique.

         Au-delà des raisons personnelles ou des tropismes qui amènent ce type de réactions répétées, deux questions se posent. A gauche, aurait-on peur de gagner ? Faute d’avoir essayé de faire une politique de gauche , la gauche, fossilisée contre les institutions, n’arrive pas à envisager de gagner. Donc de DEVOIR donner pouvoir au peuple, (faire) autogérer la société, partir des besoins et désirs « des gens », et pas des ambitions et contraintes de gestion ? Quelle réponse à la crise généralisée, à tous les étages, de la démocratie et son désaveu massif, partout dans le monde ? Quel mode de vie encourager qui permette une vraie réponse aux (vrais) besoins et favorise les constructions collectives et les solidarités ?

         Autre question : à gauche n’est-on pas atteint du syndrome de l’échec ? A force d’aligner les échecs, les reculs, sans doute aussi des renoncements, on dirait qu’à gauche la « prophétie » de Rocard sur la pédagogie de l’échec a pris dans les têtes. L’éclatement des solidarités au profit du chacun pour soi semble avoir emporté toute une envie, une dynamique de l’action collective pour « satisfaire une revendication ». Or la réalité est bien plus contradictoire que cela. Les nouvelles formes d’action sont certes une réponse aux échecs des 20 dernières années. Seulement ? A ne compter que les pertes (à défaut de gains) voit-on le mouvement, les dynamiques qui sont nées ? Des Gilets jaunes à la retraite, d’action Climat aux coopératives de toutes natures…  L’extrême droite a comme une membrane cancéreuse pris possession de la superstructure (au sens gramscien du terme) du débat public. Pourquoi serions-nous incapables d’en sortir ?

         Derrière tout ceci surgit la conception que la gauche a du peuple. Et son irrespect parfois (ex colonies, Kanaky, quartiers populaires,…), sa méfiance sur fond de « les gens sont c… », trop souvent entendus. Et d’une faille culturelle totale : construire à partir du réel, élaborer les conditions d’un vrai pouvoir populaire. Avoir cette visée, ce ne serait pas rouvrir l’espoir ?

Il faut gagner une majorité de député·e·s du nouveau Front Populaire à l’Assemblée nationale. Mais ce drop ne suffira pas : il faut marquer l’essai ; et le transformer.

Patrick Vassallo

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