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Constitution ” Piège à cons ” ou Compromis historique ?

Pour mémoire, « Un pays où il n’y a pas de séparation des pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, n’a pas de Constitution » (Montesquieu). L’occasion m’est offerte de livrer quelques pensées, à la suite de l’article paru dans l’Huma, et signé par Aurélien Soucheyre le 20/07/23.

Sont exposées les conditions du moment historique de la mise en place de la Constitution de 1958 : Guerre d’Algérie, débutée en 1954, juste après Dien Bien Phu. Parmi les auteurs de cette Constitution, Michel Debré occupe une place particulière. Il est à l’origine de « l’attentat du Bazooka » (Alger, Octobre 1957). L’attentat, qui échoue, visait le général Salan. Celui-ci, expédié à Alger par Guy Mollet, était soupçonné par les partisans de l’Algérie française, de préparer la négociation avec le FLN). En effet, une majorité de gauche (PCF, SFIO, Rad-Soc) où le poids du PCF est majoritaire, est sortie des urnes le 2 Janvier 1956, sur l’engagement précis de négocier avec le FLN. Ces élections font suite à une réelle instabilité ministérielle : inflation, guerres coloniales (la France sort de Dien Bien Phu, après les émeutes sanglantes de Madagascar). Le putsch de Mai 58 créé les conditions de changer de Constitution pour installer un système présidentiel tel que De Gaulle l’avait dessiné dans son discours de Bayeux (1947).

Les auteurs en sont : les frères Mazeaud, constitutionnalistes et gaullistes, Léo Hamon, socialiste, Jean-Marcel Jeanneney, gaulliste, et le Michel Debré de l’attentat manqué. Cette cohabitation idéologique et institutionnelle, où se côtoient des juristes de droite, de la Social-Démocratie et l’extrême droite (le Michel Debré, de l’époque Bazooka) ressemble à une Samaritaine politique dont le fond commun est l’anticommunisme. Le PCF en est donc absent. Elle permet de comprendre comment elle a pu accoucher d’une Constitution qui s’inspire de celle issue du Coup d’État du 2 Décembre 1852 et de celle des Etats-Unis (1787) qui, elle, est celle d’un système présidentiel revendiqué, dont certains constitutionnalistes (G. Vedel, 1961) ont estimé qu’elle est le résultat du sevrage du roi d’Angleterre (après l’Indépendance de 1776).

Les auteurs sont réunis par le ciment commun, un compromis historique : L’anticommunisme et la sauvegarde du Capital par la dominance de l’Exécutif, masqué par un Conseil Constitutionnel en forme de bouclier légalisé.

Savoir aux États-Unis : Un Corps législatif est élu. Il est encadré par une « Cour suprême », dont les magistrats, désignés sur des critères politiques sont inamovibles. Ils « jugent », donc le Judiciaire encadre bien les décisions d’une assemblée, le corps législatif délibérant élu. En France, ce modèle est importé sous la désignation de « Conseil constitutionnel ». Les deux Institutions ont en commun d’être des Assemblées dont les membres sont désignés sur des bases politiques. Si les juges à la Cour Suprême sont des juristes, en France en revanche, le Conseil constitutionnel devient, lui, une sorte de « Big Bazar », où on trouve de tout. Se côtoient d’anciens fonctionnaires d’État, sans aucune formation de droit constitutionnel ou de droit public, quelques juristes et même un ex-député RPR, condamné, certes avec sursis, au pénal : impensable aux USA ! In fine, le législatif est bien soumis à un judiciaire de façade.

Remarquons la prudente différence lexicale de nos rédacteurs de 1958 : les membres de notre Conseil constitutionnel sont désignés, non comme « magistrats » comme aux USA, mais comme « sages ». Le risque d’un possible conflit, exécutif versus législatif, devenu aujourd’hui insoluble, s’aggrave : nos concitoyens découvrent 61 ans après, que le Conseil constitutionnel n’est qu’un fantoche. Le Roi est nu. Récemment, J-L Debré, juriste et ex-président du Conseil constitutionnel suggère : dissolution ou référendum/plébiscite. Dans le contexte actuel, celui-ci est voué à l’échec. Il ouvre la porte au totalitarisme. Le mépris des engagements électoraux non tenus a transformé le suffrage universel en « piège à cons ».

Par sa soumission politique (49-x ou y), le Conseil constitutionnel achève la légitimation éventuelle d’un autoritarisme que le pétainisme législatif minoritaire de Macron, a mis sur orbite. La Constitution installe, certes, le suffrage universel. Mais la « loi électorale », modifiable à tout moment, installe le principe du scrutin à 2 tours. Le deuxième tour condamne donc les citoyens à un vote de refus, non constructif, réduit au défensif, voire pire : il est, parfois, contraire à leurs vœux du 1er tour. Il devient le destructeur du suffrage universel car celui-ci rendu inefficace, de facto, légitime la dictature.

De Gaulle, l’auteur de ce pouvoir personnel, n’a pas eu longtemps le pouvoir réel : Témoins les meurtres impunis (Ben Barka), les morts « accidentelles » déguisées (l’accident”, mortel, de l’avion du général Ailleret juste avant son décollage de Dakar avait suggéré à Yves Boisset le scénario d’un film qui aurait eu pour titre “Barracuda”, mettant en scène la françafrique qui avait suscité des critiques féroces de la part de ce gaulliste sincère, comme l’étaient Ailleret, De Larminat ou Boulin) ). Les trafics politico-financiers : les vedettes de Cherbourg vendues à Israël, contre la claire volonté de De Gaulle… l

Le Conseil constitutionnel reste dans son rôle, celui de sauvegarder le duo libéral : Sociaux-démocrates/toutes Droites confondues.

Une Constitution produit d’un moment historique, fixe les Institutions, elle les « conserve ». Robespierre avait inscrit dans celle de 1793 : « la Constitution sera révisée régulièrement car aucune génération ne saurait être assujettie à ses devanciers ».

Élections « piège à cons » ? Non. Elles présentent un risque pour les défenseurs du Capital, sinon pourquoi la France aurait-elle une Constitution qui possède une particularité qui la distingue de celle des USA ? Celle de permettre au Gouvernement en place de modifier la loi électorale (le mode scrutin) et le tracé des circonscriptions, avant chaque élection. Celle des USA n’a pas bougé depuis 1787… Son mode électif non plus, même si au 21ème siècle les délégués ne se rendent plus à cheval à Washington depuis Los Angeles, elle laisse en place, durant 3 mois de plus, un Président pourtant battu par le suffrage universel !

Michel Mourereau

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