Cet article fait partie du dossier “Ukraine, de la guerre à la paix” dont vous pouvez retrouver l’intégralité en cliquant sur l’image à gauche.
La guerre en Ukraine n’est pas seulement une tragédie pour les Ukrainiens et les Russes, mais pourrait se transformer en tragédie pour le monde. Elle a déjà de graves conséquences économiques, sociales, environnementales.
Dans le conflit russo-ukrainien il n’y a pas symétrie, mais un agresseur et un agressé, la fin de l’agression est la condition préalable à tout processus de paix, ensuite une paix durable suppose d’imposer les conditions d’une sécurité commune à toutes les autres parties impliquées, dont celles de l’OTAN.
Les mobilisations populaires peuvent-elles contribuer à la fin de la guerre ? D’abord dans les pays concernés. Malgré les morts la grande masse des ukrainiens demeure engagée dans la défense nationale, voire le peuple en arme. Les indices de découragement à l’arrière, ou d’adhésion passive ou active au projet russe dans les territoires occupés, s’ils existent, demeurent très minoritaires. Du côté russe, jusqu’à la mobilisation décidée par Poutine en septembre, une minorité de l’opinion, soutenait la guerre, une autre minorité la condamnait. La majorité était dans une logique d’évitement. Le premier effet de l’ordre de mobilisation est d’accentuer cette logique, et de provoquer la fuite de dizaine de milliers d’hommes du pays…. Cela peut tout aussi bien favoriser demain la paix, que renforcer aujourd’hui le camp belliciste. Nous avons connu ça en 1956-61 pendant la guerre d’Algérie.
En Europe une grande partie de l’opinion s’inquiète des effets de la guerre sur la vie quotidienne, la pénurie d’énergie, l’inflation. Poutine joue là-dessus, tout en rendant impossible toute négociation avec ses « référendums » d’annexion et son chantage nucléaire. En conséquence beaucoup appellent à « la paix maintenant ». La manifestation la plus spectaculaire en ce sens a eu lieu à Prague le 3 septembre, 70 000 personnes critiquant le soutien à l’Ukraine aux cris de « la Tchéquie d’abord », manifestation encadrée par l’extrême-droite, soutenue par le Parti communiste local. En conséquence le gouvernement néolibéral tchèque a annoncé qu’il refusait d’accueillir sur son territoire des déserteurs russes. Ce genre de position existe ailleurs, sous des formes et avec une ampleur variable selon les pays. Elle s’accompagne généralement de la demande « pour ne pas ajouter la guerre » d’arrêter les livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine.
Malheureusement nous n’allons pas nous « débarrasser » de cette guerre demain. Alors que vient la « Raspoutitsa » d’automne (les pluies), puis l’hiver, la guerre va continuer, les ukrainiens cherchant à exploiter vite leurs succès, les poutiniens à « tenir » leurs annexions jusqu’au printemps et l’apport de troupes fraiches. Les mobilisations pour la paix sont-elles inutiles ? Elles sont utiles si elles s’opposent à la militarisation générale, politique et budgétaire, que proposent dans ce contexte nos gouvernements, (question différente que de donner aux Ukrainiens les moyens de se défendre), y compris par exemple en popularisant le Traité d’interdiction des armes nucléaires de l’ONU. Si elles contribuent à affaiblir Poutine, et à encourager les forces de paix en Russie. Si elles contribuent à soutenir les forces progressistes ukrainiennes (politiques, antifascistes, écologistes, syndicales, féministes) qui, tout en étant engagées dans la défense de leur pays, s’insurgent contre les politiques néolibérales de leur gouvernement, mais ne bénéficient de presque aucun soutien des gauches européennes…
Bernard Dréano, président du CEDETIM, cofondateur de l’Assemblée européenne des citoyens HCA-France
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