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Inde : grève d’une ampleur sans précédent

En 2020 l’Inde a connu deux grandes grèves : 200 millions de grévistes en janvier et 250 millions les 26 et 27 novembre. Toute proportion gardée c’est comme si en France nous avions eu pendant deux jours 12 millions de grévistes.

C’est aussi la 5ème grève de cette ampleur depuis l’arrivée du gouvernement nationaliste du BJP dirigé par Narendra Modi en 2014.

A part 3 organes de presse : (l’Huma, Médiapart et Arte) les autres ont tu cette grève, grève qualifiée de « plus grande grève de l’histoire mondiale ». Elle a eu une dimension nationale puisque les travailleurs de tous les États de l’Union Indienne se sont mobilisés appuyés par une plateforme regroupant les dix plus grands syndicats du pays excepté le syndicat proche du parti au pouvoir. L’autre fait marquant de cette grève est la jonction des luttes des travailleurs de tous les secteurs d’activité et de la paysannerie. On retrouve les mêmes ingrédients de la politique néolibérale mise en œuvre dans beaucoup de pays dont le nôtre : démantèlement du droit du travail, blocage des salaires et notamment du salaire minimum, inflation, précarité de l’emploi, privatisation du secteur public et restriction des libertés syndicales. Dans le même temps le gouvernement a décidé une réforme agricole qui a mobilisé plusieurs centaines de millions de paysans. Pour lutter contre la réforme de Modi des dizaines de milliers de paysans venus des régions proches ont entrepris une marche vers New Delhi et organisé pendant plusieurs semaines un siège de la capitale mais la police a tout fait pour en limiter l’impact.

L’agriculture représentait 17% du PIB en 2016. Elle est le premier employeur soit 55% des actifs et 600 millions d’indiens dépendent de l’agriculture. 10 % des exploitations détiennent 55% des terres et 85% des fermes font moins de 2ha. Le gouvernement MODI a fait voter par le parlement au mois d’octobre sans réel débat 3 lois qui déréglementent totalement le secteur de l’agriculture, en permettant aux gros négociants de fixer eux-mêmes les prix, donc les paysans indiens sont confrontés à une libéralisation totale des prix agricoles alors que jusqu’à présent il y avait un soutien de l’État pour la fixation des prix afin de rémunérer correctement le travail des paysans. Dans le même sens l’État organise la casse de la protection sociale. Autre élément qui a mis le feu aux poudres, les conséquences du confinement : 66% des travailleurs ont perdu leur emploi pendant la période de mars à juin. 77% des ménages déclarent réduire leur consommation alimentaire car l’Inde est confrontée à une pauvreté de masse faisant craindre le retour des famines. Le confinement a considérablement aggravé les choses mais le mouvement social n’est pas près de s’arrêter. Rappelons aussi que selon le journal l’Humanité le secteur informel (les invisibles) représente 80% de la population active. L’Inde va affronter dans les mois qui viennent de graves périls du fait des mesures sanitaires qui ne sont pas à la hauteur et une crise environnementale et sociale très sérieuse. Heureusement que les travailleurs peuvent compter sur des syndicats puissants et pour reprendre une expression « La messe n’est pas encore dite ».

Daniel ROME

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