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Lucien Sève

Nous reproduisons ici un communiqué de l’Association des Communistes Unitaires (ACU) après le décès de Lucien Sève

La mort de Lucien Sève est un véritable choc et une grande perte. Il est l’image et un grand animateur d’un communisme vivant, qui s’inscrit dans les cheminements de celles et ceux qui sont en quête d’émancipation. Son cheminement à lui, est passé par la direction du Parti Communiste sans s’enfermer dans sa culture dominante qu’il assumait avoir dans un premier temps partagé. Il a multiplié ses efforts pour que ce qui devait être un outil ne se substitue pas à l’idéal. Lui-même considérait qu’il avait eu « trois âges » de communiste et était peu fier de ses débuts de philosophe au PC. Il disait gaiement que c’était son troisième âge le plus fécond. A ses propres yeux, il n’a jamais cessé d’évoluer vers un communisme encore impensé. Ainsi il a participé à ce que le Parti ne s’arroge plus d’être juge des pratiques hors du champ politique et c’est dans le même esprit qu’il a prôné de « commencer par les fins » c’est-à-dire que le seul guide soit l’horizon émancipateur à construire. Au fil du temps, il a contribué à dégager la pensée marxiste de tout dogmatisme : au lendemain de 68, il a intégré le rôle de l’individu et de sa subjectivité aux données de la lutte des classes, le « Je » base du « Nous » à une époque où cela n’était pas le credo des communistes et ce, tout en démolissant méthodiquement la théorie selon laquelle les uns seraient plus doués que d’autres ; travail qu’il a poursuivi avec l’aide de sa femme Françoise traductrice du trop méconnu Vygotsky. Il a mis en lumière un Marx moderne incluant la question de l’aliénation des individus. Il prônait de savoir chercher dans toute situation ce qu’elle pouvait comporter d’éléments contradictoires et donc de leviers. Ainsi, il dégageait des contradictions engendrées par la confrontation entre le capitalisme et la poussée des forces productives ce qu’il appelait le « déjà là » qui pouvait nourrir un processus révolutionnaire de dépassement du système, jusqu’à sa disparition. Au fur et à mesure qu’il se libérait (jusqu’à le quitter) de l’appareil, il libérait une capacité à dégager du présent et du mouvement que prenait la civilisation humaine, l’actualité du communisme, élaborant le concept de Révolution Anthropologique, incluant dans les enjeux de notre temps toutes les dimensions, possibilités de thérapies génétiques et de clonage humain comprises. Plus que jamais il fallait dépasser le capitalisme non par l’illusion de l’inspiration soviétique mais par un processus à la fois continuel et haché, entre les mains des exploités et dominés. Tirant les leçons de l’Histoire, il participait aux débats qui inscrivent la désaliénation dans un processus à la fois de dépassement de la domination du capital notamment au travail et à l’égard de l’État dont il portait de plus en plus une critique historique. Chercheur révolutionnaire, militant infatigable, Lucien venait d’impulser un travail collectif sous le vocable de « Capitalexit ». Il s’est éteint à 93 ans en plein travail et en pleine animation de travaux collectifs.

Celles et ceux d’entre nous qui l’ont côtoyé perdent un ami et quelqu’un à qui ils sont redevables. Ceux-là viennent de perdre un peu d’eux-mêmes. Tous perdent un animateur d’une construction de pensée propre à changer le cours des actions populaires d’autant plus puissant qu’il était toujours si posé, à l’écoute et si réactif aux propos des autres.

Nous saurons poursuivre nos travaux sur l’actualité du communisme.

Association des Communistes Unitaires.

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1 réflexion sur “Lucien Sève”

  1. LUCIEN SEVE, UN AMI, UN CAMARADE DE COMBAT ET D’ESPERANCE.

    Je redoutais cette terrible nouvelle. Mes derniers messages sur le net et sur son répondeur téléphonique étaient restés sans réponse. Je ne pourrais même pas aller à ses obsèques qui se feront dans des conditions si injustement réduites. C’était un camarade de combat que je connaissais depuis plus de 60 ans, lorsqu’il fut nommé au lycée Saint-Charles à Marseille. Nous nous écrivions et nous téléphonions souvent. Dernièrement c’était à propos de son dernier ouvrage « CAPITALEXIT OU CATASTROPHE ». Nous avons été ensemble de nombreuses années au Bureau de la Fédération des BDR du Parti communiste. Sa nomination à Marseille fut pour nous un cadeau. Avoir dans son organisme de direction un homme de cette qualité était inespéré. De nombreux militants marseillais se souviennent de l’Université Nouvelle où Lucien déployait ses connaissances, ses convictions avec un talent de pédagogue qui ne se démentit jamais. On se souviendra d’un de ses premiers ouvrages, alors qu’il était encore enseignant, au titre volontairement provocateur « LES DONS N’EXISTENT PAS.” D’autres parleront du philosophe marxiste. Je voudrais pour ma part insister sur l’homme communiste. Nous étions amis. J’ai eu le privilège de rester en contact avec lui pendant ces dernières décennies. Nos nombreux échanges m’ont donné le privilège de le connaître de l’intérieur. Nous avons connu les pires moments de notre vie où nous partagions cette injustice d’être considérés comme des renégats. Alors que nous voulions au contraire donner au communisme toutes les chances de rebondir dans le contexte de ce qui pouvait être considéré comme sa fin avec l’écroulement de l’Union soviétique. Des militants se souviendront de l’initiative des Refondateurs communistes qui permit à Lucien SÈVE de faire une conférence à Aix, en mars 1994, sur le thème “COMMUNISME LE SECOND SOUFLE…” le titre de son nouveau livre. On se rappellera qu’il fut difficile d’en organiser la signature à la fête de Fabregoules la même année. Comme nombre d’entre nous, il est peu de dire que la démission de Lucien SEVE du Parti communiste fut un déchirement. Il fallut se souvenir de ce que Maurice Thorez eut l’occasion de dire un jour sur le PCF “..il n’est pas une chapelle, il est un outil » Il fut plus facile de comprendre plus tard ce que SEVE voulait dire dans son ouvrage “COMMENÇONS PAR LES FINS”.
    L’homme Lucien SEVE était d’une très grande sensibilité, d’un humanisme profond. Rien d’étonnant qu’on le trouve Membre actif du Comité consultatif national d’éthique de 1983 à 2000, pour lequel il rédigea le rapport “Recherche biomédicale et respect de la personne humaine “. Dans son ouvrage « QU’EST CE QUE LA PERSONNE HUMAINE » Lucien SEVE aborde ces questions dans une triple perspective : un concept laïque de personne susceptible de faire accord entre tous, une critique aiguë des effets et méfaits d’une financiarisation sans rivage, une exigence radicale de démocratisation de la bioéthique. Son originalité de pensée, les apports de Marx et le rôle irremplaçable de l’expérience politique traversent tout ce petit livre rassemblant cinq textes de haute exigence scientifique et de large accessibilité. Le premier texte sur la personne humaine, est issu d’une conférence faite aux élèves des classes préparatoires du lycée Lakanal.
    Ainsi était Lucien. Dans un de nos derniers courriers, nous avions abordé la question de nos âges avancés et de la fin de vie. Nous avions très vite conclu sur l’espoir de très nombreuses et enrichissantes années que nous avions encore à vivre. J’émets un souhait : que la crise sanitaire que nous vivons donne raison au dicton : « A quelque chose malheur est bon », en étant finalement salutaire pour mettre au jour les tares d’un capitalisme débridé, de plus en plus dangereux et les solutions pour en venir à bout. Lucien serait sans aucun doute d’accord avec cette perspective.

    Marcel TASSY

    Ancien secrétaire de la Fédération des BDR du PCF
    Ancien Conseil Général de BDR
    Député – Conseiller Régional
    Adjoint au Maire de Marseille
    Ancien Directeur Politique de LA Marseillaise

    Paru dans LA MARSEILLAISE DU 25 03 2020

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