Les frontières de l’émancipation : où la coloniale demeure même pendant les grèves…
Le LKP, « Lyannaj Kont Profitasyon », collectif de 48 organisations guadeloupéennes est à l’origine de 44 jours de grève générale en 2009. 65 000 manifestants le 30 janvier selon les organisateurs, 20 000 selon la police, évaluation ultra basse qui équivaudrait néanmoins à 3 300 000 manifestants à Paris… Le LKP souvent étrillé dans la presse métropolitaine y est évoqué aujourd’hui, pour son 10éme anniversaire, à l’aune des gilets jaunes qui pourtant n’ont guère mobilisé en Guadeloupe.
Certes les formes de mobilisation se ressemblent : ronds points occupés, blocage des routes… Analogues aussi, durée, et revendications de départ : augmentation des bas salaires + 200€ demandés en 2009, dénonciation de la vie chère, notamment des carburants. Analogie des réponses. Le LKP obtiendra 100 € supportés par la solidarité nationale accordés par Sarkozy. LKP et GJ partagent d’essuyer la violence institutionnelle. Elle se solde en 2009 par la mort de Jacques Bino, un des leaders du mouvement. 10 ans après, le meurtre reste non élucidé.
Mais, drôle de ressemblance quant à la sortie du conflit. Élaborée par Sarkozy elle est aujourd’hui copiée par Macron : Le grand débat ! À Pointe-à-Pitre se succéderont les « États généraux des outre-mer », puis le « Grand débat public sur la Protection contre les risques naturels ». Las ! Pointe-à-Pitre 2019 c’est chlordécone, sargasses, Saint-Barthélemy où la majorité reste sans maison, et application zéro des accords sur les produits de 1ère nécessité. Il n’empêche, le Grand Débat National se déploie sur l’ensemble du territoire, colonies comprises. Ainsi va le mécanisme de l’assimilation.
Si le grand débat ne convainc guère sur les ronds-points, il prend, en terre coloniale, la figure délirante d’une invitation faite à la population de débattre de son association à l’élaboration des politiques publiques, quand cette même population, de par la nature même de son lien à la Métropole — tout est dans le nom—, est interdite d’accès à sa propre souveraineté.
Catherine Destom-Bottim
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