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Gratuité est un mot féminin, il doit être aussi un mot féministe

par Christine Poupin

Christine Poupin 

La contribution de Christine Poupin au forum de la gratuité entre en résonance avec le dossier sur travail et hors travail, nous en publions ici un résumé.

Une réflexion qui se veut générale ignore la situation des femmes. L’essentiel du travail domestique, travail de soin n’est pas abordé.

La reproduction sociale qui permet de prendre soin des êtres est réalisée de trois façons différentes mais interdépendantes : le travail non rémunéré dans la famille (majoritairement par les femmes) ; des services publics financés par le salaire socialisé et/ou par l’impôt; des services privés payants.

Elle assure la reproduction de la force de travail, la réponse à ses besoins quotidiens, son renouvellement sur le long terme. Les politiques néolibérales pour tenter de résoudre la crise du capitalisme ne se contentent pas de restructurer la production (intensification du travail, précarisation), elles restructurent aussi la reproduction sociale et tendent à réduire/détruire les services publics et à basculer la reproduction sociale entièrement sur les foyers individuels (et donc les femmes) et sur les services marchands.

Le mouvement féministe a mis en évidence que l’exploitation capitaliste ne se limite pas au travail salarié mais requiert du travail gratuit/invisible et qu’il existe un lien entre la dévalorisation des tâches reproductives et le statut social dévalorisé des femmes. La gratuité du travail de reproduction induit son invisibilité.

La réponse n’est ni une visibilité par le salaire dit « maternel » ou « ménager » qui assigne/enferme les femmes ni la marchandisation (service payant de la Poste de visite aux personnes âgées ; préparations industrielles alimentaires ruineuses et néfastes pour la santé, écologiquement aberrantes ou pour les ménages aisés les services domestiques à la personne le plus souvent par des femmes migrantes, conjuguant alors oppression de genre et raciste.

Une gratuité de socialisation féministe ne rendrait pas gratuit ce qui existe, mais le transformerait profondément.

Reconnaître la centralité sociale et économique du travail de soin suppose de rompre avec deux mystifications :

  • il s’agit de “dépenses”, de “coûts” donc à restreindre.
  • ce ne sont pas vraiment des métiers, mais la mise en œuvre de « qualités féminines » (attention, empathie…) qui ne justifie pas la reconnaissance.

Concrètement, il faut renforcer la protection sociale et augmenter le salaire socialisé (cotisations “employeurs”) pour financer des services socialisés transformés, étendus pour l’accueil de la petite enfance, la prise en charge de la dépendance des personnes âgées et/ou malades, handicapées, des restaurants/cuisines collectives…

Ces services doivent être totalement gratuits, autogérés conjointement par les usagèr.e.s, les salarié.e.s pour en finir avec l’une des principales sources de souffrance au travail : l’empêchement du “travail bien fait”.

Comme l’écrit Silvia Federici : “Il faut rouvrir le chantier de la lutte collective sur les tâches reproductives, (…) inventer de nouvelles formes de coopération qui échappent à la logique du capital et du marché.” (…) transformer cette activité étouffante et discriminatoire qu’est le travail reproductif en un terrain d’expérimentation des plus libérateurs et créatifs pour les relations humaines.”

 

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