Selon ses dirigeants, il serait urgent de mettre l’Europe en « économie de guerre » pour remplacer le « parapluie » américain et se défendre contre la « menace existentielle » que constituerait la Russie pour l’Europe entière. On peut s’interroger sur la part de danger réel et la part de manœuvre politique.
Autant les États européens doivent aider l’Ukraine à se défendre, autant le surarmement général ne se justifie pas. Les stocks d’armes de défense aérienne de tous les États européens suffiraient à protéger les villes ukrainiennes et, pour l’aider, il existe d’autres moyens notamment l’annulation de sa dette et la confiscation des avoirs russes…
A qui profite la guerre ou la menace de guerre ?
La guerre promet de juteux profits aux classes dirigeantes en difficulté économique et en perte de légitimité. C’est probablement la vraie raison pour laquelle D. Trump et les dirigeants européens veulent accroître les dépenses militaires en Europe alors que ces dernières ont déjà augmenté de plus de 30% ces deux dernières années, et que, parmi les 9 pays qui exportent le plus d’armes dans le monde, 5 appartiennent à l’UE et au Royaume Uni !
Quant à notre autonomie vis-à-vis des États-Unis, c’est un leurre : le complexe militaro-industriel est désormais transatlantique. Les grandes entreprises d’armement des deux côtés de l’Atlantique sont imbriquées et appartiennent aux mêmes fonds européens et surtout américains dont Black Rock. Leurs dirigeants orientent la politique de défense européenne au sein d’un Groupe de recherche crée en 2015 (GoP).
Les milieux dominants sont tentés d’utiliser leur force militaire pour réaffirmer leurs ambitions impérialistes et coloniales afin d’accaparer les ressources énergétiques et remettre en cause l’État social et l’État de droit issu du rapport de force de l’après-guerre. Les menaces contre le Canada, le Groenland, la collusion Trump- Poutine, le soutien aux menées génocidaires d’Israël en sont les illustrations.
La véritable sécurité d’une nation articule la sécurité sociale, écologique et physique. Les guerres, en Ukraine et ailleurs ont contribué à écarter ces enjeux vitaux du débat public. Les classes dirigeantes en plongeant les peuples dans la peur, espèrent les détourner de la défense de leurs exigences sociales et écologiques. M. Rutte, S.G de l’OTAN suggère que les États de l’UE financent leur défense en réduisant les services de santé ou de sécurité sociale. Cette régression désarmerait les peuples et renforcerait l’extrême-droite.
Dans ces conditions, comme le dit Hanna Perekhoda[1] « il faut rejeter le faux dilemme entre justice sociale et sécurité nationale ». Les citoyen(ne)s doivent se réapproprier la politique de défense et envisager notamment la socialisation de l’industrie de l’armement, une réorientation des missions de défense et une démocratisation de l’armée. Plus fondamentalement, ils doivent réfléchir à une autre conception de la sécurité européenne et mondiale : L’action pour la justice sociale, pour la planète et la démocratie peut faire converger les peuples qui ont des intérêts communs et générer ainsi une capacité nouvelle d’imposer la paix. Une mondialisation des mouvements populaires est déjà en germe. Cette alternative devrait faire l’objet d’un débat démocratique qui ne dépende pas d’une poignée de décideurs dont il faut mesurer combien leur politique de « défense » est en vérité dirigé contre les peuples.
Josiane Zarka
[1]. Hanna Perekhoda, membre de Sotsialnyi Rukh. Adresses- Internationalisme et Démocratie n°11.
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