Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

« Pour la paix » ; comme tout le monde ?

L’intitulé qui invite au débat débute ainsi : « Sous la pression des Américains et de la menace russe les classes dirigeantes sonnent l’alarme et appellent à un réarmement généralisé ». Cela me parait partiellement erroné. Appel à un réarmement généralisé, il y a bien, mais de quelles pressions, menace et alarme parle-t-on ? Faut-il en rester au terme « pression » à propos des États-Unis quand ceux-ci ont déclenché une nouvelle phase de la guerre économique mondiale, sans parler de la guerre militaire menée, via l’état israélien, contre le peuple palestinien ? Pourquoi s’en tenir à une « menace » russe, alors que cela fait plus de trois ans que l’armée russe a envahi l’Ukraine et occupé une partie de son territoire, poursuivant « à grande échelle » l’occupation militaire et l’annexion de la Crimée en 2014 ?

Il n’y a pas une menace, il y a une guerre menée par l’État russe. Quant aux dirigeants européens, en quoi peut-on dire qu’ils/elles « sonnent l’alarme » ? Ils et elles continuent à soutenir la guerre contre le peuple palestinien, en livrant des armes à l’Etat génocidaire israélien pour certains, en refusant à tout le moins de condamner celui-ci pour les autres, en n’envisageant pas la moindre sanction à son égard. Ils et elles ne prennent pas les moyens de faire cesser la guerre russe en Ukraine, en refusant, depuis maintenant plus de 1 000 jours, de donner les moyens nécessaires à la résistance ukrainienne et d’utiliser pour cela, par exemple, les 210 milliards d’euros d’avoirs russes qui sont dans les banques européennes.

Les guerres, qui ne se limitent d’ailleurs à la Palestine et à l’Ukraine, se poursuivent. On ne compte plus les voix « pour la paix » ; tout le monde est « pour la paix » : à commencer par ceux qui déclenchent les guerres et les entretiennent. Sont aussi « pour la paix », ceux et celles qui proposent aux peuples agressés de se soumettre aux forces d’occupation : que les Ukrainiens et Ukrainiennes acceptent d’être expulser d’une partie de leur territoire et que leurs enfants soient « russifiés » et enfin nous aurons la paix ! Après tout, que la population palestinienne non encore exterminée renonce à vivre sur le sol colonisé par l’État israélien et là aussi, peut-être, y aura-t-il la paix ? Outre l’hypocrisie de ces positions, les expériences historiques et l’analyse matérialiste des faits montrent qu’aucune paix durable ne peut exister ainsi.

La guerre, les guerres demeurent. Mais ne faudrait-il pas se demander si se préoccuper de la paix seulement lorsqu’il y a la guerre n’est pas trop tard ? Le désarmement, les combats contre la militarisation, le contrôle de la production et de l’utilisation du matériel potentiellement militaire, le soutien aux luttes des soldats, des objecteurs de conscience, des insoumis, des déserteurs, les moyens de défense, … qui s’en soucie dans la durée parmi nos organisations à vocation émancipatrice, syndicats, partis, mouvements, associations ?

Les dirigeants européens parlent de « menace de guerre ». C’est un étrange rapport à la réalité. La guerre ne menace pas, elle est là. En Palestine, en Ukraine, mais aussi au Soudan, au Yémen, au Cachemire, en Birmanie, au Kurdistan, … La menace est une notion eurocentrée, non internationaliste. Mais nous sommes en Europe et il est vrai que le contexte sert de prétexte à une relance de discours guerriers, dont les objectifs premiers ne sont pas la défense collective des populations mais le profit pour la minorité qui s’enrichit à travers la production et les ventes d’armes. Production qui ne sera pas destinée à aider l’Ukraine contrairement à ce qui est parfois dit, puisque les conséquences du réarmement tel qu’annoncé ne se traduiraient pas avant de nombreuses années et que la majeure partie des demandes ukrainiennes pourrait être satisfaite avec ce qui existe aujourd’hui.

 

Cela nous exonère-t-il de réfléchir à cette autodéfense populaire justement ? Comment faire en sorte qu’elle soit efficace, sans être assujettie à des systèmes que seuls des Etats très puissants, et de fait impérialistes, peuvent contrôler ? Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes passe aussi par ces deux exigences. Il s’agit bien du droit des peuples : à cet égard, celles et ceux qui parlent d’indépendance nationale doivent clarifier le sujet ; s’agit-il de l’État colonial français, qui garde la mainmise sur la Kanaky, Mayotte, la Guadeloupe, la Martinique, etc. ? Dans une perspective contraire, émancipatrice, qui décide de quoi en matière de défense ? Comment les choix sont-ils faits ? Comment lier démocratie et défense ? Égalité sociale et défense ? Écologie et défense ? Bien des questions qui méritent discussions et réponses au sein des collectifs et organisations se situant dans une perspective émancipatrice. Discussions et réponses qui doivent se situer dans un cadre international, c’est la moindre des choses pour des internationalistes.

Christian Mahieux

 

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Horizons d'émancipation

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