Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Nous sommes la sécu !

La Sécurité Sociale, tout juste 77 ans, en a vu des réformateurs, des rénovateurs et autres Thomas Diafoirus qui, de sa naissance à nos jours, n’ont eu de cesse que de la placer sous tutelle capitaliste. Par ces temps de menace de destruction de la retraite, et en même temps d’immense rébellion populaire, il est temps de parer les coups et donc de reprendre maintenant ce qui est à nous !

Le communiste ministre du travail Ambroise Croizat n’invente pas la Sécurité Sociale. A l’époque les lois d’assurances sociales comportent entre autre le remboursement partiel des soins pratiqués par la médecine de ville, l’obligation de cotisation des travailleurs et des employeurs, une gestion des caisses non étatique. Les travailleurs indépendants, artisans et agriculteurs en sont exclus. Conventionné ou pas, le médecin impose librement à ses patients les tarifs de son choix. Les remboursements ne dépassent pas 40% du prix payé par les malades. 

Ce que fait Croizat c’est d’inventer une Sécurité Sociale qui appartienne aux travailleurs et aux travailleuses. Cette Sécurité Sociale met en place un régime général de couverture sociale qui est alimenté par la valeur issue du travail de la génération en activité. Elle est ainsi à l’abri notamment des turbulences spéculatives. Et plus fort encore, il en confie la gestion aux travailleurs eux-mêmes. La Sécurité Sociale de Croizat – à savoir les allocations familiales, l’assurance-maladie, les retraites et la couverture des accidents du travail du régime général – a la hardiesse de faire quelque chose de « renversant » : la collecte des cotisations, un pactole, ne dépend ni de l’État ni du patronat, mais d’une caisse gérée par les travailleurs via des représentants syndicaux élus. 

Élire aujourd’hui des représentants – voire des délégués – des cotisants, est-ce une hardiesse insensée ou une impérieuse nécessité ?

Notons que les gouvernements ont en permanence agi pour limiter la capacité d’intervention des cotisants, allongeant de 3 jusqu’à 7 ans la durée des mandats des représentants au conseil d’administration. Cela a facilité le délitement du scrutin qui prend fin en 1962. Cet étouffement de l’intervention populaire fait en 1967 le lit des ordonnances du ministre gaulliste Jeanneney. Elles inaugurent l’entrée à 50 % des représentants patronaux dans les conseils d’administration de la Sécurité Sociale. Jusqu’alors, ils ne pesaient que 25%. 

Jusqu’en 1983, il n’y aura pas de « vote pour la Sécu ». La gauche rétablit la tenue d’ élections sociales pour un mandat de six ans, qui sera le dernier. Intervient alors la réforme de 1996 qui renforce le pouvoir administratif puisqu’elle élargit les conseils d’administration à des personnalités qualifiées nommées par l’État. 

La Sécurité Sociale est une conquête qui, dès sa naissance, a été contestée par les puissants. Ils perdaient là comme une garantie de précarité fondamentale, celle qui fait courber les échines. En étatisant par étapes successives la Sécurité Sociale, les pouvoirs ont à la fois facilité son accès au capital mais ont aussi contribué à créer de la distance entre elle et la population.

C’est un combat que les cotisants de la Sécurité Sociale en redeviennent les propriétaires.  « Redevenir » est peut être trompeur. Il s’agit d’une ambition d’aujourd’hui, donc gérée par les délégué-e-s des cotisants à cette tâche. Elles et ils peuvent être évidement des syndicalistes, mais la désétatisation de la Sécurité Sociale implique qu’elle soit, quant à sa gouvernance, à l’heure des audaces et des formes de lutte, de rassemblement et d’action qu’empruntent aujourd’hui les femmes, les hommes, et la jeunesse de ce pays.

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