Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Dead Poets Society, Peter Weir, 1989

1991, j’ai quatorze ans. C’est la fête du cinéma. Pendant une journée, tous les films sont à un franc. Les parents nous ont balancés sur le parvis du cinéma, quelques sous en poche. Et c’est parti pour une journée de boulimie cinématographique. Les files s’allongent devant les deux salles du cinéma Le Montaigne. Chaque séance propose une nouvelle sélection de films – ni Art et Essai, ni récents – il faut bien choisir. Cette année-là, je découvre Le Cercle des Poètes disparus, de Peter Weir, sorti en France l’année précédente. Bam. Coup de foudre.

Entre le Cercle et le Grand Bleu, mon cœur balance. Les cassettes tournent en boucle, je lis et relis le roman tiré du film. On ne comprend rien aux poèmes de « l’Oncle Walt ». Mais c’est beau et tragique, ça souffle un vent de liberté quand l’école sclérose, on se prend à rêver d’un prof comme M. Keating, à espérer que « les idées peuvent changer le monde » … et que notre « YAWP barbare » s’entendra un jour sur tous les toits du monde.

A bien y réfléchir, mon cours de Grec de Terminale, exilé hors temps scolaire, dans une toute petite salle de l’établissement vide, faisait un peu de nous un cercle d’amateurs de Poètes Disparus, et M. Augras, enseignant passionné et érudit, avait presque l’aura d’un Capitaine…

Mais comment expliquer le succès de la pièce de théâtre adaptée du film, trente ans plus tard ?

« Brillant » pour LCI, « Un chef d’œuvre » pour le Figaro. Molière de la mise en scène et révélation masculine en 2024, la pièce va tourner en 2025 dans toute la France.

Avec le recul, le film n’a rien d’extraordinaire. « Les succès sociologiques ne font pas forcément de bons films » écrivait en 2012 Pierre Murat pour Télérama. Et d’ajouter : « Celui-ci est vraiment Pouf Patapouf ». Pas ouf, donc, dirait-on de nos jours.

Alors quoi ?

 Le Cercle pose, à mon sens, deux questions essentielles. La place de la littérature comme fondement de la vie et de la réflexion éclairée. La culture comme arme. Vous m’en voyez, évidemment, convaincue.

Le personnage de Keating, en revanche, divise. Est-il responsable du suicide de Neil ? Reiner Wenger, dans la Vague, dépassé par ses propres innovations pédagogiques, déclenche lui-aussi une autre tragédie. Qu’est-ce qui les différencie d’une Erin Gruwell dans « Écrire pour Exister », de Richard Lagravenese ? Tous ces enseignants sont bien des « leaders charismatiques », qui réussissent à capter l’attention de leurs élèves…

La différence n’est pas dans l’attitude du professeur, qui aspire toujours, comme le dit Wenger, à ce « que les gamins soient suspendus à ses lèvres ». En revanche, ils ne s’adressent pas à des enfants issus de la même catégorie sociale. Si les familles sont fortunées, la recherche de la liberté s’achève en tragédie. Si les familles sont défavorisées, le prof a le droit de « sauver » le cheptel… et de le rendre conforme !

         Sur ces réflexions, bel été… et CARPE DIEM !

Alexandra Pichardie

Cet article fait partie du dossier :

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