Le texte qui suit est la retranscription d’une prise de parole de la FRAP (Front Révolutionnaire Anti-Patriarcat) lors d’une manifestation écologiste. Le projet contre lequel on luttait se trouvait à l’intersection de plusieurs luttes, comme beaucoup avant et après lui. Un projet rasant un vivier forestier breton pour y placer un champ éolien dans la lignée de la croissance verte, qui visait donc à exploiter des ressources des pays colonisés pour un confort blanc. Ce projet est comme toujours mené par le même système qui exploite tout humain et toute chose dans un seul objectif de croissance.
Cette prise de parole avait pour objectif de montrer que cette lutte était aussi une lutte féministe et queer. Nous avons donc pensé que ce texte entrait en résonance avec le sujet du dossier de Cerises : parce qu’il montre que les luttes sont toujours à l’intersection d’enjeux différents. Et parce qu’il relève la nécessité de visibiliser la pluralité des enjeux, pas pour diviser la lutte, bien au contraire, pour montrer qu’elle est utile à toustes. Et ça, sans pour autant effacer les différences de conditions matérielles d’existence entre différents groupes sociaux, sans prétendre que tout le monde subit l’impact de projets mortifères de la même manière, sans oublier l’impact du sexisme, du racisme, du validisme, au sein et même hors du capitalisme, sur les situations matérielles des groupes opprimés.
La FRAP
Défendre une écologie féministe et Queer, montrer que tout est lié même si d’apparence les paillettes ce n’est pas écolo, c’est notre objectif.
Antipatriarcat et écologie sont historiquement liées. Depuis les années 70, ce sont majoritairement des femmes qui portent les luttes contre l’extractivisme. Ce sont elles qui ont dû se battre pour l’écologie, et contre des propositions pseudo écologistes, qui ne sont que des idées sexistes et colonialistes, comme la campagne de stérilisation des femmes indiennes.
Les femmes sont les personnes les plus touchées par les changements écologiques. Elles représentent 70% des personnes sous le seuil mondial de pauvreté, et ce sont les personnes qui vivent le plus dans les régions exposées au dérèglement climatique. Elles sont les plus touchées par les catastrophes naturelles : 80% des personnes mortes du tsunami de 2004 en Indonésie sont des femmes.
Les femmes et les personnes queer ont la charge du changement des comportements et du soin. C’est elleux qui gèrent le recyclage, c’est elleux qui arrêtent de manger de la viande et poussent leur entourage à le faire, c’est elleux qui, de façon générale, prennent soin de leur espace de vie, des gens qui les entourent, de leur environnement.
Antipatriarcat et écologie sont liées, parce que ce sont les mêmes qui détruisent l’environnement et la vie des femmes, des personnes queer, des personnes racisé·es, des prolos. Ce sont les hommes cis hétéro blancs bourgeois, qui dirigent les États, les entreprises, les grandes organisations. Ce sont les hommes cis hétéro blancs bourgeois qui exploitent tout sur leur passage, des ressources primaires aux humain·es, pour leur confort. Ce sont les hommes cis hétéro blancs bourgeois qui nous exploitent en utilisant les mêmes mécanismes : la violence, l’objectivisation des autres classes que la leur et de la nature, la dévaluation. C’est d’ailleurs les mêmes hommes qui détruisent la nature, mais qui l’invoquent pour dire que les femmes cis sont naturellement plus faibles, qu’être pédé, gouine ou trans ce n’est pas naturel.
On a le même ennemi, c’est le système capitaliste, raciste, sexiste, validiste, qu’il faut détruire sous tous ses aspects.
L’urgence est d’autant plus présente que le fascisme gagne du terrain, et que ça ne fera qu’empirer au fur et a mesure que les migrations climatiques de masse s’amplifieront. Les États vont se refermer, les idées réactionnaires vont prendre encore en puissance, et on sait qui sont les cibles à ces moments là. Ce sont les transpédégouines, les arabes, les noirs, les asiatiques, les juifs, les roms. C’est tout ce qui sort de la norme blanche cis hétéro.
Voilà pourquoi écologie et antipatriarcat sont liées. Aux femmes et personnes queer, c’est aussi notre lutte. Le patriarcat doit s’effondrer pour qu’on ait une chance de gagner la lutte écologiste.
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