Les laboratoires Pfizer, associés à l’allemand BioNTtech, et la société de biotechnologie américaine Moderna, ont été les premiers à annoncer avoir développé un vaccin efficace à 95% contre le Covid-19, sans effets secondaires graves. Les données des essais cliniques de Pfizer / BioNTtech ont été publiées dans un journal scientifique[1] le 10 décembre 2020. Ce sont ces résultats que nous analysons plus en détail.
L’essai clinique de phase 3 de Pfizer / BioNTtech, a été pratiqué en double aveugle sur environ 43000 volontaires, âgés au minimum de 16 ans, qui ont reçu deux doses espacées de 21 jours. La moitié des participants recevant un placébo, l’autre moitié le vaccin. Les observations ont été faites sur l’efficacité et les effets délétères.
A partir de 7 jours après la seconde dose, 9 participants ayant reçu le vaccin sont testés positifs au Covid-19, dont un seul présentait des symptômes de la maladie, contre 169 positifs dans le groupe placebo, dont 7 avec des symptômes. La majorité des individus infectés sont américains (119 sur 169), de moins de 55 ans. Ces précisions n’indiquent pas s’ils résidaient dans des régions particulièrement touchées par le virus au moment des essais (entre juillet et novembre 2020) et s’il pouvait y avoir des différences d’exposition entre le groupe placebo et le groupe vacciné. L’effectif réduit ne permet aucune analyse par sous-groupes, à savoir en fonction de l’origine, de l’âge, du sexe, ou des facteurs de comorbidité. A partir de ces résultats, le laboratoire Pfizer/ BioNTtech annonce une efficacité du vaccin de 95%, là où il serait plus raisonnable de parler d’une tendance positive observée, encourageant à poursuivre les études.
Cette étude ne répond pas à plusieurs interrogations.
La première : est-ce que le vaccin protège contre la contamination ? 95% d’efficacité signifie que les personnes vaccinées auraient 95 % de chances en moins de développer les symptômes de la maladie. Ce qui est différent de 95 % de chances de ne pas être contaminées par le virus, c’est-à-dire d’avoir développé une immunisation par la production d’anticorps dirigés contre l’agent infectieux. On ne sait pas, à l’heure actuelle, si ce vaccin protège contre la transmission du virus.
La deuxième : est-ce que la vaccination sera efficace à protéger les personnes plus âgées, qui sont les plus vulnérables? Chez ces dernières, en général, la protection vaccinale diminue, les réponses immunes s’atténuant avec l’âge. Cette population n’est pas suffisamment représentée dans l’essai clinique pour pouvoir conclure.
La troisième : combien de temps dure l’immunité conférée par le vaccin ? Il n’y a pas de réponse, la durée d’observation étant trop courte. D’après les premiers essais, l’immunité est restée présente 90 jours. Une réponse immune contre les affections respiratoires est difficile à produire. La Covid-19 appartient à cette catégorie, il est vraisemblable que l’immunité ne perdure pas dans le temps. La vaccination devra alors être pratiquée tous les ans, comme pour la grippe.
En l’absence de données cliniques, aucun argument ne permet d’affirmer qu’il est anodin d’introduire du matériel génétique (ADN ou ARN) dans le corps humain.
Enfin la quatrième, mais non la dernière : quid des effets secondaires de ces vaccins nouvelle génération ? Au cours de l’étude publiée de Pfizer / BioNTtech, les réactions les plus fréquemment observées sont classiques. Elles sont de nature inflammatoire, avec des rougeurs au niveau de la piqûre et des douleurs transitoires, parfois de la fièvre ou des maux de tête. Une alerte concernant les personnes allergiques est cependant apparue au Royaume-Uni parmi les premiers vaccinés, constituant une mise en garde à utiliser ce vaccin pour cette population.
Ces observations concernent les semaines qui suivent l’inoculation, mais nous n’avons pas de recul sur le long terme, les technologies utilisées pour développer ce vaccin étant nouvelles.
Les deux laboratoires Pfizer / BioNTtech et Moderna, ont utilisé la même technologie, l’ARN messager comme agent pour induire une réponse immune. Ce type d’agent n’a jamais été testé chez l’homme. En l’absence de données cliniques, aucun argument ne permet d’affirmer qu’il est anodin d’introduire du matériel génétique (ADN ou ARN) dans le corps humain. Des réactions inflammatoires ou des réponses auto-immunes ne sont pas à exclure au-delà du délai de 2 mois, soit disant suffisant pour juger de la manifestation ou non d’effets secondaires. D’autant plus que de nombreuses inconnues demeurent sur les mécanismes cliniques induits par les coronavirus. Pour déceler des effets difficilement prévisibles, et donc non maîtrisables, il aurait fallu élargir les cohortes de volontaires, et prolonger la période d’observation.
Toutes ces interrogations n’ont pas empêché les agences de santé les unes après les autres de valider ces candidats vaccins. La FDA américaine (US Food and Drug Administration), les agences sanitaires britanniques et canadiennes… puis les instances de régulation européennes (EMA) ont rendu un avis favorable au vaccin Pfizer/BioNTech, pour une distribution rapide dans les États européens. L’objectif est de vacciner plus de la moitié de la population européenne, pour atteindre une immunisation suffisante d’ici la fin 2021.
Cette stratégie de l’urgence, au détriment d’une qualité maximale, n’est pas pour rien dans la défiance des français vis-à-vis de cette vaccination.
L’urgence à sortir de la crise sanitaire a prévalu. Un choix fort discutable sur un plan éthique a été fait de déployer la vaccination à très large échelle avant de connaître les réponses aux différentes questions, et de reporter la prise en compte d’éventuels effets secondaires. Les études vont être faites, non plus sur des volontaires, mais sur toute la population, dans la vraie vie, et en tout premier lieu sur les personnes les plus fragiles reconnus prioritaires pour un accès à la vaccination.
Ce sera donc bien après la campagne de vaccination que l’on disposera du critère clinique d’efficacité (diminution ou non de l’incidence de la maladie que le vaccin est censé prévenir).
Les instances de pharmacovigilance vont être renforcées pour un suivi extrêmement rigoureux des effets indésirables en population générale. Cette annonce a besoin d’être concrétisée et immédiatement suivie d’effet. Actuellement la pharmacovigilance a déjà bien du mal à recueillir les effets indésirables des médicaments.
Cette stratégie de l’urgence, au détriment d’une qualité maximale, n’est pas pour rien dans la défiance des français vis-à-vis de cette vaccination. Seulement 40% des Français interrogés mi- décembre répondent “vouloir certainement ou probablement se faire vacciner”, selon un sondage Santé Publique France[2]. La population a conscience de faire office de cobaye. Même si la campagne de vaccination débutera avec les personnes les plus à risque, l’inoculation de ces nouveaux vaccins est recommandée à la population entière, alors qu’il n’y a aucune certitude de protection contre la transmission du virus. Cette stratégie d’une éradication possible de la Covid-19, si la vaccination est massive, est ressentie comme une instrumentalisation, qui n’aide pas à gagner la confiance dans la politique vaccinale proposée.
Lever les réticences de la population à se faire vacciner est de l’intérêt des multinationales du médicament et des gouvernants. Les premières espèrent en retirer des marges de profit gigantesques. Les firmes pharmaceutiques entendent profiter du contexte économique mondial au bord de la rupture et du désarroi des populations pour obtenir des États des achats de doses à un prix intéressant, en plus des financements publics dans la recherche, et des subventions directes pour le développement des vaccins, pour les infrastructures de production et de logistique, déjà engrangés.
Pour les gouvernants il y a urgence à sortir de la crise sanitaire. Le seuil des 60000 décès a été franchi en France. Les mesures restrictives pour bloquer la circulation du virus sont de plus en plus mal ressenties par les citoyens. La situation économique est catastrophique. La vaccination apparaît comme la seule arme pour contrôler la pandémie et éviter de remettre l’économie sous cloche par un nouveau confinement. Il s’agit de limiter le plus possible les dégâts économiques pour retrouver au plus vite le chemin de la croissance, seul recours envisagé à une possible explosion sociale. C’est aussi un moyen pour les gouvernants de regagner du crédit dans la société, pour conserver le pouvoir aux prochaines échéances électorales qui se profilent.
Quand allons-nous rompre avec la recherche des profits immédiats en hypothéquant une vie en bonne santé dans l’avenir?
D’autant que selon l’OMS, il faut à présent se préparer à des épidémies pires que celle de la COVID 19. C’est dire l’urgence pour les hommes et les femmes de la planète à se mobiliser pour un nouveau mode de développement émancipateur des contraintes financières et des ravages humains et écologiques.
Eliane Mandine
Chercheuse Sanofi
Collectif « médicament, un bien commun »
[1] https://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMoa2034577 – Safety and Efficacy of the BNT162b2 mRNA Covid-19 Vaccine. Fernando P.Polack et al ;
[2] https://www.huffingtonpost.fr/entry/vaccin-contre-le-covid-19-les-francais-sont-de-plus-en-plus-reticents_fr_5fe70b82c5b66809cb31608e
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